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restées les siennes. Ce fut ainsi que cette guerre prit, dès l’origine, le caractère d’une simple résistance contre l’invasion étrangère, sans affecter celui d’une lutte de parti avec ses espérances passionnées et conquérantes. Un grand tacticien, enfant de ces montagnes, est venu en aide à cette cause ; et quoique dans son orgueil triste et sauvage, Zumalacarregui ambitionnât l’insigne honneur d’entrer à Madrid le béret rouge sur la tête, la zamarra sur le corps et la cravache à la main, accompagné de ses guides de Navarre aux brodequins de chanvre et aux uniformes pris sur l’ennemi, quoiqu’il fût incontestablement royaliste dans le sens européen de ce mot, il dut subordonner tous ses plans militaires au génie du peuple dont il conduisait la résistance nationale. C’est pour cela qu’au lieu de s’ouvrir la route de Madrid, il périt sous les murs de Bilbao, le Madrid de l’insurrection vascongade, place que les ministres de don Carlos désirent si vivement posséder pour se procurer des ressources financières, et ses soldats pour constater leur victoire par l’occupation de leur véritable capitale. Il fut toujours dans l’esprit de cette guerre de se circonscrire sans s’étendre. Elle eut la sage ambition de chasser l’ennemi, non l’aventureuse ambition de le poursuivre. L’Espagne déclarerait renoncer à ses droits sur les quatre provinces, que la guerre finirait ipso facto, malgré la résistance du parti castillan : ceci ne semble pas avoir besoin de preuves.

Une simple observation établit, d’ailleurs, tout ce qu’il y eut de spécial dans l’insurrection basque, et ne permet point à l’opinion carliste de s’en prévaloir comme d’un indice de sa force. Au moment où Ferdinand ferma les yeux, les tentatives insurrectionnelles ne furent pas circonscrites au nord du royaume. Pendant que la Navarre courait aux armes sans s’émouvoir du coup de foudre qui venait de frapper son chef[1], Mérino avait soulevé les volontaires royalistes entre l’Èbre et le Guadarrama. En Catalogne, des mouvemens avaient eu lieu sur divers points, et aux confins des royaumes d’Aragon et de Valence, les insurgés s’établirent d’abord dans le château de Morella d’où ils appelèrent aux armes les nombreux bataillons de volontaires. Néanmoins, dès le commencement de 1834, tous ces mouvemens étaient étouffés, toutes ces tentatives étaient reconnues impuissantes, et la guerre ne se maintenait qu’au-delà de l’Èbre, parce qu’ailleurs elle était guerre de parti, et que là seulement elle était guerre nationale. Du moment où les diversions tentées par don Carlos sur la Catalogne restaient sans succès, où cette terre des bandes de la foi, n’ar-

  1. Santos-Ladron, ancien vice-roi de Navarre, et l’un des officiers de l’armée de la foi, fut arrêté près de Los-Arcos de la main même de Lorenzo, colonel du 12me, sorti de Pampelune avec cent hommes. Il fut conduit dans cette ville, et fusillé le 13 octobre.