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n’a nullement méconnu les obligations du traité, et qu’elle les aurait bien plutôt excédées par l’envoi non prévu de forces auxiliaires, car les prescriptions de l’acte du 18 août ne se rapportent qu’à la contrebande de guerre, et celle-ci fut toujours sévèrement réprimée. Aujourd’hui même, où la coopération paraît avoir cessé, notre gouvernement est resté dans les termes rigoureux de ses engagemens. Mais si l’Espagne et les partis ne sauraient lui adresser aucun reproche en partant de la lettre du traité, en est-il ainsi lorsqu’on se place à un autre point de vue ?

Toutes limitées que soient les stipulations du 22 avril et du 18 août, il est visible que si elles ont été prises avec la réflexion qu’il est si naturel de supposer, elles n’ont pu avoir qu’un seul but : celui de réserver formellement à la France et à la Grande-Bretagne les questions péninsulaires, selon le droit que la France exerça antérieurement en Belgique, l’Autriche dans les états d’Italie, droit dont les puissances co-partageantes de la Pologne ont récemment usé pour la ville libre de Cracovie. Cette faculté, mesurée selon les intérêts et le soin de la sécurité intérieure, semble passer en principe dans le droit public européen. Dès-lors n’est-il pas de la dernière évidence que si, après en avoir solennellement réclamé l’application (car aux yeux du monde la quadruple alliance aura toujours cette valeur-là), la France voit se résoudre sans elle et contre elle le conflit élevé en Espagne, elle sera aussi moralement affaiblie que si elle avait laissé s’opérer l’arme au bras la restauration de l’ancien royaume des Pays-Bas ? Le traité de 1834 ne servirait qu’à constater plus authentiquement ses vœux et son impuissance ; ce serait le témoignage le plus éclatant et le plus maladroit de sa déchéance politique.

Tant que l’intervention ne fut pas invoquée par le ministère espagnol et par les chambres, il n’y avait pas à la discuter. Lancer une division de cavalerie aux trousses de don Carlos, comme on le proposa, dit-on, était un de ces moyens à la Bonaparte que le succès aurait pu couronner, mais qu’un gouvernement qui respecte ses alliés n’avait aucunement le droit de prendre. Mais du jour où notre concours, sous une dénomination ou sous une autre, était instamment réclamé par la législature et le gouvernement espagnol, c’est-à-dire à partir du mois de mai 1835, cette affaire ne se présentait plus que sous deux rapports : l’intérêt de la France et ses engagemens envers l’Europe.

Les avantages de l’intervention au point de vue national étaient manifestes, et le bon sens public y fût revenu malgré les déclamations de la presse ; car il importait aussi bien au gouvernement français de prévenir le triomphe des hommes de violence, dont son refus allait inaugurer le règne, que d’empêcher une restauration que cette fois avec justice M. Fox aurait appelée la pire des révolutions.

On comprendrait fort bien que la monarchie de 1830, placée entre les