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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/699

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LE MAROC.

le poignarde froidement, et s’en va. Trois heures sonnent ; l’ami arrive, et ne trouve plus que le cadavre de celui qu’il avait voulu sauver. Il se répand en imprécations contre le perfide libérateur, qui lui répond sans se déconcerter : « J’ai rempli ma promesse et mérité ma récompense. N’ai-je pas tiré votre ami de prison ? Tout ce qui est arrivé depuis ne me regarde pas. Une fois libre, c’était à lui de veiller sur sa vie. »

Les Berbères, du moins, ont pour eux l’audace, le courage, la résolution. Les Maures n’ont rien de grand : lâches, pusillanimes, humbles avec les forts, insolens avec les faibles, ils ne connaissent ni le désintéressement, ni la générosité ; ils ignorent également les plaisirs de l’intelligence, et vivent plongés dans la fange d’une volupté brutale. Ils n’ont d’autre ambition que celles des richesses, ils les recherchent par toutes les voies, et quand ils les ont acquises, leur plus grand soin est de les cacher. Frappé de leur insatiable cupidité, un poète indigène composa cet apologue : « Il y avait dans le paradis terrestre des arbres d’or et d’argent ; Adam, cherchant, après sa faute, à se dérober à l’œil de Dieu, s’alla réfugier sous leur ombre ; mais les arbres la lui refusèrent, et le repoussèrent loin d’eux. Alors Dieu leur dit : « Vous avez été fidèles, c’est pourquoi je vais vous assujettir le monde. » À ces mots, il les enfouit dans les entrailles de la terre, et dès-lors les hommes n’eurent plus d’autre occupation que de chercher à les découvrir. »

Les Arabes forment la quatrième race du pays. Ce sont les conquérans venus des déserts de l’Yemen au temps de leurs grandes émigrations guerrières, ils apportèrent et imposèrent au peuple vaincu leur langue et leur religion. Dans la suite des temps, ils se confondirent avec eux. Toutefois, l’union n’est pas si étroite que la race conquérante ne se distingue encore aujourd’hui des autres par des caractères tranchés. Les Arabes sont de mœurs plus douces que les Maures ; ils sont plus braves, plus hospitaliers, et quand ils ont engagé leur foi, on peut y compter. S’ils n’ont pas un respect à toute épreuve pour la propriété d’autrui, ils ne sont du moins ni processifs, ni assassins. Tirent-ils le couteau dans la colère, ces simples paroles : « Pensez à Dieu et au prophète, » suffisent pour les désarmer, et la paix est aussitôt rétablie.

Ils forment, en général, une assez belle race, plus belle de corps