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est surtout vrai d’un mince recueil imprimé[1], mais inédit, distribué et non vendu, sans titre, in-8o, sur grand papier, vrai idéal d’impression comme en doit souhaiter pour ses Arcana cordis tout poète amoureux, délicat et dédaigneux. Le nôtre y avait réuni un certain nombre d’élégies qui composaient l’histoire d’une passion, alors encore brûlante : il y en a de belles, et d’admirables surtout au début, — comme un cri :


Ils ont dit : « L’amour passe, et sa flamme est rapide ;
« Le plaisir le plus doux, toujours suivi du vide,
« Laisse au cœur un vague tourment ! »
Et nous, qui dans l’amour consumons nos journées,
Nous, qui de nos regards vivrions des années,
Nous disons : Ce n’est qu’un moment !

Et lorsque du départ vient l’heure inexorable,
Plus épris, plus brûlans de l’ivresse adorable
Où l’amour long-temps nous plongea ;
Indignés et surpris du temps qui nous réclame,
Sortant comme d’un rêve avec la mort dans l’ame,
Tous les deux nous disons : Déjà !…

As-tu des mots, dis-moi, pour ce bonheur immense ?
Moi je n’en trouve pas ! Un son confus s’élance,
Stérile, hélas ! et sans vigueur.
Alors, désespéré, je garde le silence,
Mais l’hymne est au fond de mon cœur !

Là se disent des chants inconnus à la terre,
Des chants trop forts pour l’homme, et que l’homme doit taire,
Des chants que le ciel envirait !
Celui, qui, les sachant, trahirait leur mystère,
Sans doute, en les disant, mourrait !

Tout ce que la parole invente de tendresse,
Ce que disent les yeux et leur vive caresse,
La voix, le sourire et les pleurs,
De ce divin langage et des mots qu’il t’adresse
N’égaleraient pas les douceurs.

Que de regrets, ô ciel ! si tu ne peux comprendre,
Hélas ! que par des mots ce langage si tendre
Et cet hymne consolateur !
Mais non ; car sur ton sein j’ai cru souvent entendre
Les mêmes accens dans ton cœur.

  1. chez Fournier, 1829