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et les envahissemens du positif et de la prose. Nulle part, dans ces plaintes, n’apparaît la trace d’un sentiment réel et profond.

Examinons-nous chez le poète les détails de la composition et du style, malheureusement nous trouvons moins encore à louer qu’à reprendre : M. Reboul s’est trop constamment absorbé dans l’imitation des maîtres modernes. Parfois il reproduit avec succès leurs coupes faciles et variées ; le plus souvent la préoccupation de ses modèles gêne sa phrase et l’alourdit. En général, ses vers sont pénibles, obscurs et prétentieux.

Il est évident que M. Reboul ne possède ni la puissance d’inspiration, ni l’originalité de la forme et de la pensée. Or, sans ces qualités principales requises du poète, il n’y a qu’un mince mérite à mener de front le culte des muses et l’exercice honorable d’une profession manuelle. Ce n’est pas en considération de leur vie laborieuse d’ouvriers, c’est en vertu de leur génie que l’Angleterre a fait immortels quelques-uns de ses poètes nés du peuple et restés poètes parmi le peuple. Tel a été Hogg, de nos jours, le célèbre berger d’Ettrick, qu’on ne vit point chercher sa poésie au-delà de l’horizon de ses pâturages. Tel avait été Burns, le plus grand de tous, qui, menant sa charrue, chantait le néant des beautés et des grandeurs humaines, à l’aspect de la pâquerette tombée dans le sillon au tranchant du soc. Si M. Reboul, de Nîmes, est jeune encore, s’il lui est donné de s’amender, c’est l’exemple de ces poètes qu’il doit surtout se proposer : mais pour être grand comme eux, qu’il fasse comme eux ; qu’il n’imite personne ; qu’il s’inspire naïvement de sa condition ; qu’il s’efforce d’être lui-même ; il sera neuf alors. Peut-être deviendra-t-il ce phénomène social et littéraire qu’a proclamé prématurément en lui M. de Lamartine.

Il résulte d’une préface mise en tête des Fleurs du midi, de Mme Louise Colet, née Revoil, que M. de Châteaubriand est un protecteur de la poésie beaucoup plus discret que MM. Alexandre Dumas et de Lamartine. Les dames poètes de la province se font d’ordinaire à Paris une divinité qui reçoit de préférence l’hommage de leurs lettres et de leurs vers ; M. de Châteaubriand fut, à cet effet, la divinité du choix de Mme Louise Colet. En homme de génie qui sait vivre, l’auteur de René donna acte des vers et des lettres qui lui furent adressés, non sans ajouter les complimens d’usage. Bien mieux, Mme Louise Colet étant venue à Paris afin de voir le dieu en personne, une entrevue lui fut accordée ; le dieu se communiqua lui-même.

Forte de tant de précédens, Mme Louise Colet alla plus loin. Elle sollicita une introduction près du public en faveur d’un certain recueil de poésies qu’elle avait à publier. Ici M. de Châteaubriand se crut en droit de refuser. Il s’excusa spirituellement et poliment. C’est au public, ce