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REVUE LITTÉRAIRE.

n’en est pas à pleurer des biens impalpables et sans substance ; ce sont toutes choses positives et bien définies qu’elle regrette. S’agit-il d’amour ? C’est le jeune homme pâle, mais très réel, dont elle accuse l’inconstance. Elle l’accuse, bon Dieu ! mais si doucement, si faiblement ! Elle voudrait tant pardonner ! Puis elle l’a revu au bal ; il était pâle toujours, le pauvre jeune homme ! et il a détourné la tête. Ou bien, s’il a parlé, sa parole était de glace comme son air. De là nombre d’élégies amoureuses dont les griefs sont nettement établis, parfaitement fondés en droit et qui se maintiennent dans les bornes d’une sensibilité décente et modérée. Mme Mélanie Waldor a d’autres élégies pour des douleurs moins directes et plus générales. Elle va errant par le cimetière de croix en croix, pleurant sur la tombe des jeunes filles mortes à la fleur de l’âge.

Toute cette poésie est assez monotone, mais sa monotonie n’incommode ni ne fatigue. C’est le bourdonnement de la basse qui n’assourdit pas au moins l’oreille comme la fanfare éclatante des poètes à enthousiasme continu. Mme Mélanie Waldor a, du reste, mal à propos appliqué à sa versification élégiaque la variété des rhythmes remis en honneur par l’école moderne. La marche lente et mesurée de l’alexandrin convenait mieux. On s’impatiente de l’allure traînante de ses strophes. On se demande où sont leurs ailes. À quoi bon tout cet équipage lyrique ? Ce n’était pas la peine de monter le plus rapide des coursiers poétiques pour lui tenir la bride et aller le pas. N’était son soin supérieur de la forme, Mme Mélanie Waldor appartiendrait pleinement à l’école de Mmes Dufresnoy et Victoire Babois. Elle tient à ces dames par le tour et le penchant du cœur, et à la manière nouvelle par le rhythme et la rime.

Thérèse, roman de M. Léon Bruys d’Ouilly, se produit fièrement sous la recommandation d’une épître inédite de M. de Lamartine. Il n’en coûte rien décidément au chantre des Méditations de sacrer des poètes, soit en vers, soit en prose. M. Léon Bruys d’Ouilly n’était pas né poète le moins du monde ; l’épître inédite et la réponse qui la suit nous l’apprennent elles-mêmes. Il avait seulement des bois et un château dans le voisinage du château et des bois de l’auteur de Jocelyn. C’est à force de chevaucher avec ce dernier qui lui récitait de ses vers, chemin faisant, que M. Léon Bruys d’Ouilly s’est avisé de poésie à son tour, sans doute afin de pouvoir donner la réplique à son illustre voisin. Il advint donc que de retour à Saint-Point, après une absence, M. de Lamartine trouva poète tout fait l’ancien compagnon de ses promenades. C’est pour cela qu’il lui dit :

L’éclair qui m’avait fait poète,
Jaloux de tes jours de repos,