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REVUE DES DEUX MONDES.

S’était abattu sur ta tête
Comme un aiglon sur deux troupeaux.

Malgré cette descente d’un commun éclair sur les deux poètes, ne croyez pas que Thérèse soit en rien parente même éloignée de Jocelyn. Je vous signale ce soi-disant roman de M. Léon Bruys d’Ouilly comme l’une des déceptions poétiques du jour les plus manifestes. L’auteur conte d’abord, dans un certain nombre d’élégies, sa naissance, son berceau, ses illusions d’enfant et de jeune homme ; puis apparaît un instant Thérèse, la femme justement qu’il avait rêvée, qu’il aime et qu’il aimera. Mais Thérèse est fiancée à un paysan qu’elle épouse. Là-dessus, profond désespoir de M. Léon Bruys d’Ouilly, qui part pour l’Italie, jurant d’être inconsolable et d’écrire des élégies partout où il passera. Le poète désolé tient parole. Voici venir l’inévitable série des méditations mélancoliques sur Naples, Pompéi, Rome, le Colysée, Florence, Venise et le lac Majeur, en un mot toutes les étapes d’un touriste sentimental en Italie. Quand il a suffisamment promené sa douleur au-delà des monts, M. Léon Bruys d’Ouilly revient en Bourgogne, le cœur toujours rempli d’amour pour Thérèse. Malheureusement Thérèse est morte ; ce qui coupe court, par bonheur, à la verve du poète. Vous en êtes quitte, à son retour, pour une élégie finale, sur le tombeau de la défunte.

N’en déplaise à l’épître obséquieuse de M. de Lamartine, ou plutôt par respect pour elle, il n’y a rien à dire de la qualité des poésies de M. Léon Bruys d’Ouilly. Il n’est vraiment pas possible de les prendre plus au sérieux que les Perce-Neige de M. Maurice Saint-Aguet, et les Primevères de M. Édouard L’Hôte. M. Édouard L’Hôte, M. Maurice Saint-Aguet et M. Léon Bruys d’Ouilly, par les naïves analogies de leurs compositions et de leurs styles, sont évidemment dignes de marcher de front et de pair. Qui connaît l’un connaît aussi les autres. Ils forment tous ensemble une plaisante trinité de tristes poètes.

Avec la Poésie catholique de M. Turquety, nous retrouvons, sinon la vraie poésie, au moins quelques traces de savoir-faire. Mais quel étrange vertige a saisi ce poète ? D’où lui vient ce fol orgueil de croire qu’il est novateur, qu’il a ramené la poésie au catholicisme, que sans lui le catholicisme n’aurait pas aujourd’hui de poète ? Pas de poète, bon Dieu ! Ainsi M. Turquety ne compte ni M. de Châteaubriand, ni M. Victor Hugo, ni M. Alfred de Vigny ni M. de Lamartine, ni la longue et innombrable procession religieuse et poétique, venue à leur suite ! Pas de poète catholique ? Combien donc en faut-il à M. Turquety ? S’il avait dit encore, pas de catholique poète, pas de poète croyant ; à la bonne heure, on le comprendrait peut-être.

Mais ce nouveau poète catholique ne brille point par la conséquence de