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série de désappointemens pour le lecteur, qui cherche au bout de tout, en un récit, une apparence d’intérêt, une fable quelconque.

Il y a deux petites pièces plus courtes que nous approuvons davantage. L’une d’elles fournit un détail piquant de la vie de Rouget de l’Isle. Il est curieux de voir l’auteur de la grande chanson révolutionnaire figurer galamment dans une aventure de bal et y jouer un rôle si discret et désintéressé.

Racine ne se montre qu’à peine dans Esther à Saint-Cyr. Les personnages principaux de la nouvelle où figurent un moment les graves visages vieillis de Louis XIV et de Mme de Maintenon, sont un jeune lord anglais et un courtisan français écervelé. Cette petite comédie à double intrigue, amuserait si elle était moins écourtée. Les scènes et les caractères manquent de développement.

Tout considéré, ces essais en prose de Mme Tastu sont fort au-dessous de ses vers. La prose lui est doublement dangereuse. Sa poésie avait déjà le tort de tendre au prosaïsme. Au moins le soin du rhythme et de l’harmonie dissimulait souvent ce défaut dans sa versification. Il ne nous est pas démontré que Mme Tastu soit l’une des muses mises à l’index par les préventions du siècle ; en tout cas, pour tirer parti du nouvel instrument qu’elle emploie ; pour donner à sa prose quelque élévation et quelque force, elle fera bien d’appeler à son aide toutes ses ressources et toutes ses inspirations de poète.

Mme Sophie Pannier, qui avait déjà publié le Prêtre, nous donne aujourd’hui l’Athée. Cette dame paraît tenter en prose ce qu’essaie en poésie M. Turquety. On dirait qu’elle veut monopoliser le roman religieux et catholique ; l’Athée est une longue prédication entremêlée d’aventures plus ou moins galantes. Nous ne nous flattons pas de débrouiller ce fouillis. Ce n’est pas chose aisée que de dégager l’action des sermons entassés qui l’étouffent. Nous ferons de notre mieux.

D’Olbreuse est noble d’origine et fort noble. Ce n’est rien moins que le fils d’un duc d’Estavayer, duc et pair sous la restauration, de par l’ordonnance spéciale de Mme Sophie Pannier. D’Olbreuse était né religieux et légitimiste ; on l’avait élevé dans les bons principes. Ni sa naissance, ni son éducation, n’ont prévalu contre le mauvais souffle du siècle. Il se perdra de toute façon. Converti successivement au matérialisme et au libéralisme, il s’éprend de la gloire roturière du barreau. Sa noblesse déroge. Il fait son droit en cachette. Voilà notre athée avocat. Bien lui en a pris de se procurer cette ressource, car une certaine baronne, chevalière d’industrie, dont il a repoussé les avances, épouse le duc d’Estavayer pour se venger des dédains du fils et lui couper les vivres. Disons que ce qui a contribué notablement à précipiter d’Olbreuse dans l’a-