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théisme, c’est un cruel désappointement de ses premières amours. Trahi par une jeune fille qu’il aimait, il ne respire plus que mépris pour Dieu, pour l’humanité, surtout pour les femmes.

Mais Mme de Villermont, la femme d’un des chefs de l’insurrection vendéenne de 1832, a dû consulter l’avocat d’Olbreuse sur des affaires de chouannerie. L’athée n’est pas encore invulnérable, comme il s’en flattait. Il avait juré de ne plus rien aimer, et tout d’un coup il aime passionnément sa cliente. Il est vrai qu’il l’aime méchamment, et dans l’espoir de la séduire. Mais Mme de Villermont n’est pas de celles qui succombent aisément. Mme de Villermont est la vertu même. Dès-lors s’entame le débat entre l’esprit religieux et l’esprit d’athéisme, entre le bon et le mauvais génie. Lequel des deux triomphera ?

Tant que Mme de Villermont croit son mari bien vivant et militant dans la Vendée, elle se borne à prêcher d’Olbreuse à titre d’amie ; mais on apprend que le comte de Villermont a péri dans le désastre du château de la Pénissière. La comtesse, veuve et libre, profite de l’occasion que lui donne le ciel de ramener une brebis égarée. D’Olbreuse sera son époux, pourvu qu’il comparaisse au tribunal de la pénitence. Mais l’athée ne se soucie pas plus du sacrement du mariage que de celui de la confession. Ici combats nouveaux, dissertations redoublées, sermons sur sermons ; puis, au travers du tout, larges épisodes de cours d’assises.

L’exhérédation de d’Olbreuse n’avait pas été facilement obtenue du duc d’Estavayer. Si sa femme est aidée à le circonvenir par un méchant abbé libertin, un bon abbé plaide secrètement la cause du fils près de son père. Afin d’écarter cet obstacle à ses desseins, la duchesse a comploté la mort du bon abbé, qui doit être tué par un homme aposté. Heureusement la Providence intervient. La nuit était noire ; l’assassin se trompe d’abbé et tue le mauvais pour le bon. Mais d’Olbreuse passait par hasard dans la ruelle où se commet l’assassinat. On l’arrête. Il est accusé du crime.

Tout allait bien pour la duchesse. Afin de l’empêcher définitivement de rendre ses bonnes graces à son fils, elle avait empoisonné le vieux duc son mari. D’Olbreuse, déshérité, n’avait plus d’autre perspective que l’échafaud. La Providence le traitera mieux qu’il ne mérite. Le bon abbé, préservé par miracle, reparaît à point pour sauver l’accusé. Il présente en outre un codicile du duc qui maintient son fils dans son héritage.

D’Olbreuse est donc remis en possession de sa liberté et de sa fortune. Qu’il se confesse seulement, Mme de Villermont est prête à lui donner sa main. L’athée n’a pas maintenant d’objection au mariage, mais il lui en coûterait de se confesser. Il hésite, il combat. La Providence n’était pas étrangère à ces temporisations ; sans elles, notre vertueuse veuve tombait inévitablement en bigamie. Remarquez bien cette scène, qui est neuve et