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ses diverses branches ; ce sont les affaires, c’est la spéculation, le travail, l’action.

À son unique objet tout pour lui se subordonne : l’éducation et la politique, la loi de la famille et celle de l’état. Tout, depuis la religion et la morale jusqu’aux usages domestiques et aux détails de la vie ; tout, dans la société américaine, est combiné et ployé suivant la direction qui converge le mieux vers le but commun de chacun et de tous.

Si la règle générale souffre des exceptions, elles sont peu nombreuses et tiennent à deux causes : premièrement, la société américaine, si absorbée qu’elle soit dans sa spécialité, ne doit pas rester à jamais emprisonnée dans ce cercle, et contient déjà le germe des destinées, quelles qu’elles puissent être, qui lui sont réservées pour les siècles à venir ; secondement, la nature humaine, quoique finie, n’est pas exclusive, et nulle force au monde ne saurait étouffer ses protestations contre l’exclusivisme des goûts, des institutions et des mœurs.

La spéculation et les affaires, le travail et l’action, voilà donc, sous diverses formes, la spécialité que les Américains ont choisie et à laquelle ils se vouent avec une ardeur qui tient de l’acharnement. C’était celle qu’ils devaient adopter, celle que leur avait assignée le doigt de la Providence, afin que la civilisation fût, dans le plus bref délai possible, mise en possession d’un continent.

Je ne puis sans douleur, penser qu’il y eut un moment où la France semblait appelée à partager la gloire de cette grande mission avec les deux peuples entre lesquels Dieu l’a placée, aussi bien sous le rapport du caractère et des institutions que sous celui de la position géographique, avec les Anglais et les Espagnols. Tandis que l’Espagne, alors reine du monde, envahissait l’Amérique du Sud et le vaste empire du Mexique, y civilisait, le sabre à la main, la population indienne, et y bâtissait des villes monumentales qui témoigneront de son génie et de sa puissance bien des siècles après que les déclamations de ses détracteurs seront tombées dans l’oubli ; tandis que l’Angleterre posait de chétives colonies sur la plage aride de l’Amérique du Nord, la France explorait la gigantesque vallée du Père des eaux, et s’emparait du Saint-Laurent, près de qui notre Rhin, tranquille et fier, n’est qu’un ruisseau modeste ; nous couronnions de fortifications le rocher à pic,