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ZOOLOGIE.

être compris : on ne croit plus aveuglément les anciens sur parole, car trop de fois déjà on les a surpris en flagrant délit d’erreur. De là l’analyse qui veut tout voir et vérifier par elle-même ; c’est, sous une autre forme, cette lutte, sans cesse renouvelée dans les xviie et xviiie siècles, du scepticisme philosophique contre la tradition et la foi.

En même temps, la division du travail s’opère entre les observateurs : la tendance commune des esprits vers l’analyse le veut ainsi ; et c’est ce que commande également l’accroissement numérique des espèces connues, devenu de plus en plus considérable par les pérégrinations lointaines de Bélon, de Bontius, de Marcgraaf, d’Hernandez, de Pison, et de tant d’autres voyageurs contemporains de ceux-ci ou d’une époque postérieure.

Le xviiie siècle, s’ouvrant sous l’influence de ces nouvelles idées, ne pouvait manquer d’être marqué pour la zoologie par d’éclatans progrès : il n’avait, on peut le dire, qu’à suivre son cours pour s’avancer de succès en succès. Les esprits les plus éminens de cette époque l’ont espéré sans doute ; mais leurs prévisions sur la grandeur future de leur siècle n’ont pu, si sagaces qu’on les suppose, s’élever jusqu’à la réalité, en approcher même. Dans tous les siècles précédens, la zoologie n’a présenté à notre admiration qu’un seul grand homme, Aristote : le xviiie siècle nous en présente deux, Linnée et Buffon. Qui eût osé espérer de la Providence qu’elle doterait à la fois l’humanité de deux de ces rares génies qu’elle se plaît d’ordinaire à nous montrer de loin en loin, comme ces météores éclatans qui traversent tout à coup le ciel aux acclamations des peuples, et dont le magnifique spectacle ne doit se renouveler ni pour les hommes qui l’ont une fois contemplé, ni après eux pour plusieurs générations ?

Nous n’agiterons pas ici la vaine question de la supériorité de Linnée sur Buffon, ou de Buffon sur Linnée : comment mesurer la grandeur intellectuelle de ces hommes qui nous dépassent de si haut ? Pour des génies aussi éminens, le terme de comparaison manque : à peine pouvons-nous porter un jugement sur la valeur absolue des services qu’ils ont rendus à l’esprit humain ; car nous ne voyons que le passé et le présent, et leurs idées appartiennent aussi à l’avenir.

C’est en effet, selon nous, une erreur grave de croire que, parce