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SALON DE 1837.

en France, qui, avec Robert, a le mieux compris et rendu l’Italie. Il serait injuste de ne pas donner des éloges à la composition de certains groupes et à l’exécution de certaines figures ; mais on regrette, pour un artiste d’autant d’individualité que M. Schnetz, le ciel et la campagne de Rome.

Italiam ! Italiam ! disaient les Troyens du haut leurs poupes marines, le cœur palpitant de joie, et les yeux pleins de larmes. Et nous aussi, nous répétons ce cri partout où nous voyons apparaître les lignes et les formes ravissantes de cette belle terre. Italie, Italie, éternelle enchanteresse, éternelle amoureuse des enfans de l’art, le grand Robert t’a pris tes filles sublimes et tes beaux moissonneurs, Schnetz tes robustes paysans et tes sombres voleurs, et voici qu’un Allemand vient te ravir tes nobles dames et tes comtesses. M. Winterhalter, qui déjà nous avait assis nonchalamment au bord du golfe de Naples, au milieu d’une troupe de rustiques épicuriens, cette fois nous transporte sur les collines de San-Miniato, et nous fait assister, en vue de Florence et aux derniers rayons de soleil, aux contes de Boccace. Voilà bien le casino mentionné dans le Décameron, la fontaine et la noble compagnie ; trois cavaliers et sept dames toutes jeunes et du même âge. Quelle ravissante causerie ! comme la reine du cercle, la muse florentine à la couronne de laurier et à la robe semée d’or, est écoutée avec attention et nonchalance tout ensemble ! Qu’elles sont charmantes ces jeunes filles dans leurs poses diverses, comme elles ont du laisser aller sans perdre de leur noblesse ! Vraiment il y aurait un beau roman à faire sur chacune d’elles, si Bocaccio, le divin conteur, ne l’avait déjà fait : puisse-t-il soulever les siècles qui pèsent sur sa tombe et venir contempler une des plus fraîches inspirations de son livre ! Le caractère du temps, dans le costume et la physionomie des personnages, pourrait être plus marqué, mais on devine aisément que l’auteur n’a point voulu faire de la couleur locale, ni un pastiche des vieilles peintures florentines ; et sur ce point, je n’ai qu’à le louer. La composition est heureuse, le dessin juste et gracieux, et la couleur des plus brillantes. Il y a deux têtes surtout, celles de deux jeunes dames, debout et à la gauche de la reine, qui me paraissent peintes avec une légèreté de pinceau et une finesse de couleur qui vous rappellent le grand Rubens. Il nous semble qu’il y a progrès de ce tableau à celui de l’année