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SALON DE 1837.

ractère de la Terre-Sainte. Mais peut-être l’application du système de M. Aligny est-elle poussée trop loin dans ces deux toiles, et va-t-elle jusqu’à la maigreur et à la dureté. M. Marilhat, qui nous avait déployé toute la magnificence des cactus et des palmiers d’Afrique, il y a deux ans, a cherché cette année l’églogue antique, et nous a rendu, dans un beau site de la Grèce, une scène de la pastorale de Longus, je crois. Ses jeunes arbres et leurs embranchemens sont dessinés avec finesse et élégance, ses terrains se coupent et se surmontent avec grandeur, ses groupes de pasteurs sont sagement distribués ; mais les qualités du dessinateur semblent avoir absorbé celles du coloriste : ce tableau est d’un froid glacial. Au contraire, la vue du Tombeau du scheik Abou-Mandour, près de Rosette, rappelle les teintes chaudes et pleines de vie de ses premières toiles. Nous l’engageons bien sincèrement à continuer dans cette manière ; elle nous paraît être la plus naturelle, et l’expression la plus vraie de son talent. MM. Corot et Bertin suivent, avec des qualités diverses, la même route que M. Aligny. Le premier, homme d’instinct, a le sentiment de certains coins de la nature romaine, qu’il reproduit avec une naïveté brutale. Ses tons sont justes et bien posés ; mais ils sont généralement gris et peu flatteurs. Son Saint Jérôme au désert offre de bonnes parties ; mais nous préférons le tableau d’Agar, exposé il y a deux ans. Le second, plus précis, plus agréable et plus harmonieux, tire un merveilleux parti des élémens les plus simples du paysage. Un vaste rocher, un tronc d’arbre mort ou crevassé, une touffe de genêts roux et flétris, et une figure qui s’appelle tantôt Giotto, tantôt Jésus de Nazareth, lui suffisent pour une composition souvent de grande dimension. Certainement une pareille sobriété de moyens révèle une remarquable habileté et l’intelligence du grand et du beau ; mais il est à craindre aussi que ce système parfois ne mène plutôt à des effets de décoration qu’à l’expression simple et vraie de la nature ; et c’est là ce que nous avons peur de rencontrer dans le Christ au mont des Oliviers, de M. Bertin, malgré la science de dessin et le sentiment élevé qui s’y manifestent.

M. Bodinier, qui semble procéder des vieux maîtres de l’école florentine, s’applique à rendre, avec leur netteté et leur rigueur de contour, jusqu’aux moindres plantes de la nature italienne. Cependant il ne néglige pas la couleur, et cherche à mettre dans ses fonds