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publique. Gibbon, ami de lord North, déplore ce dénouement dans une lettre qu’il écrivait de Lausanne, le 24 janvier 1784 : « Les étonnantes révolutions du mois dernier sont parvenues jusqu’à moi plutôt comme des scènes d’une comédie d’intrigues ou d’opéra-comique, que comme de graves évènemens de l’histoire moderne. Dieu a certainement aveuglé les yeux de Pharaon et de ses serviteurs. »

Dans ces coalitions, si laborieusement factices, les forces des deux partis s’atténuent par leur réunion même : en vain ils sacrifient l’un à l’autre leur individualité, ils ne parviennent pas à construire une puissance homogène et durable ; et pour se retrouver eux-mêmes, ils sont rapidement contraints à se séparer avec violence.

Les coalitions ont encore cet inconvénient de faire disparaître pour quelque temps du monde politique un parti nécessaire ; car si les deux partis qui veulent se confondre, sont puissans, apparemment ils représentaient des intérêts réels et vivaces, qui perdent ainsi l’indépendante sincérité de leur expression. Il importe à la société que les partis aient leur jeu dans l’état et gardent leur personnalité.

Aujourd’hui, nous avons besoin, en France, d’un parti parlementaire, qui s’affirme dans une ligne vraiment constitutionnelle et nationale. Depuis trois ans, ce parti, nécessaire au pays, s’organise ; aujourd’hui il est constitué : ce qui s’est passé en novembre 1834, l’avènement du ministère du 22 février 1836, ce qui se passe aujourd’hui en avril 1837, sont d’irrécusables symptômes. Il y a des hommes politiques qui comprennent et croient pouvoir faire triompher l’accord de l’ordre et de la liberté, de la royauté et du peuple : qu’ils se hâtent, leur intervention est nécessaire.

La France n’a ni le fanatisme de la monarchie, ni le fanatisme de la république. Elle attend ce gouvernement mixte dont jusqu’ici on lui a tant parlé et qu’on ne lui a pas encore donné sincère et durable, ce gouvernement où la royauté préside sous l’influence des inspirations nationales, où les intentions du roi et les intentions du pays doivent s’accorder, où ces dernières doivent toujours avoir le dernier mot ; gouvernement qui travaille à s’établir partout, et à créer une Europe représentative, après les deux périodes de l’Europe féodale et de l’Europe monarchique. Ce qui caractérise ce gouvernement, ce n’est pas d’être une transac-