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La perte des templiers était partout poursuivie avec acharnement dans les conciles provinciaux[1] ; neuf chevaliers venaient encore d’être brûlés à Senlis. Les interrogatoires avaient lieu sous la terreur des exécutions. Le procès était étouffé dans les flammes… La commission pontificale continua ses séances jusqu’au 11 juin 1311. Le résultat de ses travaux est consigné dans un registre qui finit par ces paroles : « Pour surcroît de précaution, nous avons déposé ladite procédure, rédigée par les notaires en acte authentique, dans le trésor de Notre-Dame de Paris, pour n’être exhibé à personne que sur lettres spéciales de votre Sainteté[2]. »

Dans tous les états de la chrétienté on supprima l’ordre, comme inutile ou dangereux. Les rois prirent les biens ou les donnèrent

    ni eux, ni les notaires présens. Alors il révoque sa déposition, et déclare même s’en être confessé à un frère mineur, qui lui a enjoint de ne plus porter de faux témoignages.

  1. Aux conciles de Sens, Senlis, Reims, Rouen, etc., et devant les évêques d’Amiens, Cavaillon, Clermont, Chartres, Limoges, Puy, Mans, Mâcon, Maguelone, Nevers, Orléans, Périgord, Poitiers, Rhodez, Saintes, Soissons, Toul, Tours, etc. (Raynouard, pag. 138.)
  2. Ce registre est à la Bibliothèque royale (fonds Harlay, no 329). Il contient l’instruction faite à Paris par les commissaires du pape : Processus contra Templarios. Ce manuscrit avait été déposé dans le trésor de Notre-Dame. Il passa, on ne sait comment, dans la bibliothèque du président Brisson, puis dans celle de M. Servin, avocat-général, enfin dans celle des Harlay, dont il porte encore les armes. Au milieu du xviiie siècle, M. de Harlay, ayant probablement scrupule de rester détenteur d’un manuscrit de cette importance, le légua à la bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés. Ayant heureusement échappé à l’incendie de cette bibliothèque, en 1793, il a passé à la Bibliothèque royale. Il en existe un double aux archives du Vatican. (Voyez l’appendice de M. Raynouard, pag. 309.) — La plupart des pièces du procès des templiers sont aux Archives du royaume. Les plus curieuses sont : 1o  le premier interrogatoire de cent quarante templiers arrêtés à Paris (en un gros rouleau de parchemin) ; Dupuy en a donné quelques extraits fort négligés ; 2o  plusieurs interrogatoires, faits en d’autres villes ; 3o  la minute des articles sur lesquels ils furent interrogés ; ces articles sont précédés d’une minute de lettre, sans date, du roi au pape, espèce de factum destiné évidemment à être répandu dans le peuple. Ces minutes sont sur papier de coton. Ce frêle et précieux chiffon, d’une écriture fort difficile, a été déchiffré et transcrit par un de mes prédécesseurs, le savant M. Pavillet. Il est chargé de corrections que M. Raynouard a relevées avec soin (pag. 30), et qui ne peuvent être que de la main d’un des ministres de Philippe-le-Bel, de Marigni, de Plasian ou de Nogaret. La lettre, malgré ses divisions pédantesques, est écrite avec une chaleur et une force remarquables : « In Dei nomine, Amen. Christus vincit. Christus regnat. Christus imperat. Post illam universalem victoriam quam ipse Dominus fecit in ligne crucis contrà hostem antiquum… ita miram et magnam et strenuam, ità utilem et necessariam… fecit novissimis his diebus per inquisitores… in perlidorum templariorum negocio… Horrenda fuit domino regi… propter conditionem personarum denunciantium, quia parvi statûs erant homines ad tàm grande promovendum negotium, etc. (Archives, section historique, J. 413.)