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REVUE. — CHRONIQUE.

de destitution adressées aux fonctionnaires de la chambre ! En vérité, il faut se tromper étrangement sur soi-même et sur les autres, pour concevoir de telles idées, et distribuer ainsi à droite et à gauche des reproches de lâcheté et de faiblesse à des hommes qu’on a été bien aise de trouver près de soi et devant soi aux jours du danger, à des hommes qui seraient sans doute les premiers au rendez-vous, si un véritable danger reparaissait encore !

Ceux qui parlent tant de courage devraient mieux connaître cette vertu. Le courage, c’est l’opportunité de la force. M. Guizot était infiniment plus courageux et plus résolu quand il montait une fois par semaine à la tribune, soutenu de M. Thiers, de M. Dupin et d’autres, qu’aujourd’hui où il se démène seul contre… nous ne saurions en vérité dire contre qui, à moins que ce ne soit contre les associations, qui sont mortes dans quelque coin obscur, ou contre l’émeute, que les patrouilles de la garde nationale cherchent depuis trois ans dans tous nos faubourgs, livrés au travail ou manquant d’ouvrage, sans avoir pu encore la rencontrer. Encore une fois, l’à-propos, c’est le secret de tous les mérites et de toutes les gloires. Le célèbre chevalier de la triste figure n’était un homme déraisonnable qu’eu égard à son pays et à son temps, dont la tranquillité ne comportait pas ce grand déploiement d’énergie et de force. S’il était monté à cheval quelques siècles plus tôt, don Quichotte eût été un héros réel, le Cid ou Roland !

Est-ce la presse que combat M. Guizot ? Mais, d’abord, la presse, qui soutient M. Guizot, attaque plutôt qu’elle ne défend ; et d’ailleurs, la législation de septembre, que M. Guizot a établie pour sa part, ainsi que ses anciens collègues, est là pour rassurer les ministres passés et présens. Qui donc ? Quelques pauvres ouvriers égarés ; sans doute, ce sont là des ennemis dangereux, puisqu’ils peuvent tout à coup frapper la France d’une manière si cruelle ; mais de tels ennemis sont de ceux contre lesquels doit s’armer le bras et non l’intelligence ; ils sont du domaine du juge et non du législateur. Un homme d’état philosophe, tel que M. Guizot, devrait voir en eux les instrumens de la Providence, qui se sert de cette terrible voie pour achever la ruine du parti démagogique, déjà si abattu depuis l’attentat de Fieschi jusqu’à celui de Meunier. Que d’écrivains de l’opposition la plus vive ont brisé leur plume, crainte de voir le sang royal en découler !

Que M. Guizot le sache bien, le 13 mars, le 11 octobre sont passés, comme passent les années et les saisons dans l’ordre de choses ordinaires. Nous ne disons pas qu’ils soient passés sans retour. De pareils évènemens à ceux de ces époques ramèneraient sans doute au pouvoir de pareilles blessures. Mais on ne reconstitue rien sans causes. M. Guizot n’a-t-il pas