Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/432

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
422
REVUE DES DEUX MONDES.

melle d’affranchissement pour les esclaves doit être faite cette année aux chambres.

On est d’avis qu’au milieu des préoccupations actuelles des chambres, cette proposition aurait peu de chances de succès, et que le ministère, appréhendant de se créer un nouvel embarras, trouverait des prétextes d’ajournement, en disant qu’il veut attendre le résultat de l’expérience tentée dans les colonies anglaises. — Mais, dit M. de Tocqueville, à quelle époque sera-t-il permis d’affirmer que cette expérience est concluante ? En 1840, il est vrai, l’état d’apprentissage fera place à une émancipation complète ; mais bien des embarras subsisteront encore ; l’esclavage est une plaie qui sera longue à cicatriser. — D’ailleurs les colons, dès ce moment, commencent à déclarer que l’expérience anglaise ne prouverait rien, eût-elle un plein succès.

M. Passy pense que les colons sont beaucoup moins inquiets des perturbations qui résulteraient, disent-ils, de l’affranchissement, qu’ils ne le sont de la lésion de leurs intérêts. Il s’agit au fond d’une question d’indemnité pécuniaire. Quant aux noirs, avec quelques réglemens très simples, mais sévères, on les disciplinerait aisément au travail. Du jour où l’on aura dit : à telle époque les esclaves seront libres, les conseils coloniaux, aujourd’hui si fertiles en objections, trouveront d’excellens moyens pour arriver sans secousse à l’affranchissement. Toutefois la proposition d’une mesure aussi décisive n’offrirait aucun espoir de réussite, ni auprès du gouvernement ni auprès de l’opinion publique trop peu éclairée sur cette question. Il ne faut donc point négliger les moyens transitoires qui peuvent conduire au but par un chemin plus long ; tels seraient l’affranchissement des enfans à leur naissance ; propre à saper l’esclavage dans sa base, la constitution d’un pécule avec subvention du trésor public, la faculté de rachat, etc.

Après discussion, il est convenu que ceux des membres de la société qui font partie de la chambre des députés, saisiront la plus prochaine occasion pour provoquer de la part du gouvernement des explications précises sur ses intentions. M. Vitalis, propriétaire à la Martinique, vient d’adresser aux chambres une pétition ayant pour objet l’affranchissement des nègres ; le rapport de cette pétition devant être présenté incessamment, pourra servir de texte aux interpellations que désire la société : on en demandera le renvoi au président du conseil des ministres, sans approuver les moyens proposés par M. Vitalis, et qui semblent offrir des inconvéniens assez graves, mais afin d’encourager l’exemple donné pour la première fois par un colon de réclamer en faveur des esclaves.

Au nom d’une commission, M. Carnot fait un rapport-verbal sur les moyens d’étendre la publicité des travaux de la société : il propose la rédaction d’un Bulletin périodique et la tenue d’une assemblée générale. — Ces deux propositions sont adoptées. Le premier numéro du bulletin sera rédigé par M. Carnot.

Séances des 27 février et 6 mars.

M. Passy dépose sur le bureau l’autorisation accordée par le ministre de l’intérieur, pour assurer l’existence légale de la société.