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tions. » N’est-il pas évident que cette solution n’est nouvelle que par l’expression, et qu’au fond elle retombe positivement dans celles des nominalistes. Un mot, comme l’entendaient ces derniers, un terme métaphysique peut-il être autre chose qu’un signe intellectuel, une conception de l’esprit ? Encore une fois, nous osons croire que le procédé éclectique de Leibnitz est d’une application souvent impossible, et qu’un système, si vaste qu’il soit, ne parviendra pas à concilier raisonnablement deux thèses contradictoires dans leurs affirmations.

De la philosophie scolastique à l’idéalisme allemand, la transition est facile et légitime. C’est encore l’interminable discussion sur la substance et ses modifications, avec cette différence que, pour nos pères, la substance n’était qu’une matière créée et mise en œuvre par un adorable ouvrier, tandis que, de nos jours, elle est saluée Dieu, et partant, condamnée à se régir elle-même, à ses risques et périls. Une autre distinction non moins remarquable est que la scolastique, si long-temps réputée barbare et ténébreuse, paraît un modèle de clarté, comparée aux visions de la raison pure dans les espaces de l’absolu. L’Histoire de la Philosophie allemande[1], par M. Barchou de Penhoën, attirera sans doute une utile controverse sur une doctrine admirée chez nous de confiance sur la foi de quelques adeptes, mais qui avait été trop vaguement exposée jusqu’ici pour donner prise à une critique sérieuse et désintéressée. La méthode de M. Barchou se prête heureusement à ce résultat. Elle consiste à faire connaître la philosophie allemande, non pas seulement dans sa formation et ses vicissitudes historiques, mais dans son essence propre, dans son élément scientifique. En cinq chapitres, qui portent les noms de Leibnitz, de Kant, de Fichte, de Schelling et de Hegel, l’auteur reconstruit et formule assez nettement le système propre à chacun de ces philosophes, en coordonnant toutes les vues théoriques éparses dans leurs innombrables productions.

Un reproche assez grave est si souvent mérité par les écrivains philosophiques, qu’il est presque injuste de l’adresser particulièrement à M. Barchou de Penhoën. Le seul moyen de s’entendre dans les matières abstraites est de remédier, par des définitions très précises, à l’indécision des langues usuelles, d’élever chaque terme à la puissance d’un signe algébrique en lui conservant toujours la valeur qu’on lui a d’abord attribuée. M. Barchou s’est souvent écarté de cette règle. Ainsi, il paraît établir une sorte de synonymie entre les mots spiritualisme et idéalisme, matérialisme et sensualisme. De là, une fâcheuse confusion entre deux problèmes très distincts, celui de la nature des êtres ou ontologie, et ce-

  1. vol. in-8o, chez Charpentier, rue de Seine-Saint-Germain, 31.