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vers les idées absolues, maladie de l’époque que M. Schlegel lui-même a fort bien reconnue chez les autres, et dont il déplore les effets en disant : — « que les appellations commencent par être le fruit d’un caprice souvent étrange ; qu’elles prêtent à des bévues et à des méprises ; qu’alors on brouille toutes les idées, et qu’il s’introduit une nouvelle confusion babylonienne dans les langues, et même dans celles qui se distinguaient auparavant par leur clarté et leur précision. »

Parlerons-nous enfin d’une autre faiblesse dont le philosophe n’a pas su se défendre ? Qu’en Allemagne on nie l’action prédominante de la France dans le développement de la société européenne ; que l’esprit du moyen-âge allemand se prononce dans l’architecture catholique, si ridiculement appelé gothique jusqu’ici ; que nos grands écrivains parlent trop clairement pour être compris au-delà du Rhin ; que la langue française, toute pauvre qu’elle est, ait pu suffire à deux profonds penseurs (de Maistre et Bonald), de semblables jugemens sont si fréquens dans la littérature critique de nos voisins, qu’il y aurait de la naïveté à les relever. Mais comment se résigner à ce passage ? Il s’agit de la crise de 1789. — « Au fond, il est injuste d’appeler toujours cette révolution, révolution française, ou de la regarder comme exclusivement propre à la France. C’était une maladie politique dont tous les peuples étaient alors épidémiquement infectés. Elle avait même éclaté en Hollande et en Belgique plutôt qu’en France. » Faire sortir de l’émeute du Brabant le triple règne de Mirabeau, de la Convention, de Napoléon ; dire que cette bataille de vingt ans contre l’Europe entière, et qui nous a coûté des millions d’hommes ; que la révolution de France, enfin, n’est pas française ; voilà qui nous paraît par trop allemand !

§. iii. – MOUVEMENT COMMERCIAL DE LA PRESSE.

Après avoir examiné, soit isolément, soit dans nos revues collectives, les plus intéressantes publications de 1836, il nous reste à évaluer l’œuvre mercantile. Nous nous étions d’abord proposé de caractériser par des chiffres le mouvement général de la presse, ainsi que nous l’avons fait pour 1835. Mais il nous fut bientôt démontré que la librairie est un marché approvisionné par la routine. Sa fabrication répond machinalement à des besoins irréfléchis. D’une année à l’autre, la différence des résultats est trop peu marquée pour trahir les caprices de l’opinion : de sorte qu’une statistique complète, comme la première, eut inévitablement ramené les mêmes observations morales, et quelquefois les mêmes résultats numériques. Il nous suffira donc, pour approprier l’inventaire de 1835 à l’année suivante, de consigner brièvement les plus notables variations.

On se rappelle que nos calculs avaient pour base le nombre des feuilles typographiques, comptées d’après les indications du Journal de la Li-