Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/683

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
673
SITUATION DE L’ORIENT.

importance ; ses conséquences morales et matérielles, dans le présent et dans l’avenir, sont immenses, et on pourrait y voir, avec de bons esprits, le symptôme d’une grande et infaillible révolution. Sans aller tout de suite aussi loin, arrêtons-nous cependant sur un fait de cette gravité.

Depuis douze ou quinze ans, les populations étrangères, par la religion ou par le sang, à la population ottomane, et qui sont encore soumises au sceptre de Mahmoud, ont vu s’opérer, dans l’empire, des révolutions qui sont pour elles d’un bien séduisant exemple. Des nations, leurs alliées et leurs sœurs à quelques-unes, rameaux détachés du même tronc, et long-temps privées comme elles de toute vie politique, long-temps courbées sous le même joug, ont recouvré, soit par leurs propres efforts, soit par les combinaisons de la politique européenne, soit par l’active ambition d’un homme de génie, celles-ci, une indépendance complète, celles-là, une existence nationale distincte et un gouvernement local presque entièrement affranchi des directions de Constantinople, sauf la fiction d’un lien de vassalité nominale. Ce n’est pas à dire pour cela qu’il se fasse actuellement, dans la masse des rayas de la Turquie, un travail positif et sérieux d’émancipation ; mais il est bien difficile qu’avec ces exemples sous les yeux, le mouvement d’esprit de la population chrétienne, et même d’une partie de la population musulmane, non turque, ne porte pas dans ce sens. On en a eu, à plusieurs reprises, des indices remarquables, et pour qui regarde de près, il s’en présente encore assez souvent. Le contraire est d’autant moins probable, que les centres d’agglomération existent déjà au nord et au midi, et qu’il y en a d’autres, tout prêts à se former, indiqués par la nature des lieux, des hommes et des choses.

Le danger n’est pas flagrant, il n’éclate pas, nous le reconnaissons ; mais il n’en existe pas moins, il n’en mérite pas moins la plus sérieuse attention des hommes d’état, du gouvernement qu’il pourrait menacer, de l’Europe qui veut le maintien de ce gouvernement. Diverses circonstances, que tous les instincts pressentent, peuvent, d’un moment à l’autre, le faire passer de l’état conjectural à celui d’une réalité effrayante. Qu’une révolte de Bosniaques ou d’Albanais, pour les motifs accoutumés, ne soit pas énergiquement comprimée par les pachas de Scodra ou de Widdin ; et aussitôt, sauf intervention de l’Europe, on ne pourra plus un