Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/689

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
679
SITUATION DE L’ORIENT.

ment détruit, lui serait devenu très avantageux. Revenduz-Bey aurait pu changer jusqu’à un certain point les habitudes de la population, la fixer, et délivrer ainsi l’Anatolie de ses incursions ; peut-être même aurait-il consenti à recevoir du chef de sa religion, à laquelle il est fort attaché, un titre quelconque, une investiture qui aurait établi entre lui et la Porte un lien solide et des relations de vassal à suzerain. Au lieu de recruter directement dans le sein de la population kourde, comme elle en a la prétention[1], la Porte aurait tiré le même parti de ces tribus belliqueuses, en les laissant sous les ordres d’un chef indigène qui lui aurait envoyé des secours à titre de co-religionnaire, de tributaire et d’allié. Si le divan avait su se contenter de cette situation, et en avait compris plus tôt les avantages, il se serait épargné les frais d’une expédition inutile, qui malheureusement n’a pas fait grandir l’armée dans l’opinion des peuples. Aujourd’hui la situation est bien changée. Les tribus qui obéissaient à Revenduz-Bey sont rentrées dans leur indépendance ; deux autres chefs ont gardé la leur, et le Kourdistan n’est pas plus soumis qu’au commencement de la guerre. Cependant il semble que la Porte ait l’intention d’adopter dans cette question un autre système, et probablement celui que nous venons d’indiquer. Revenduz-Bey, amené à Constantinople comme prisonnier de guerre, est comblé des faveurs du sultan, qui lui a conféré, avant son départ, le titre de pacha à trois queues, et qui le renvoie dans le Kourdistan, on ne sait encore à quelles conditions[2]. La guerre n’avait donc pas de sens, et les sacrifices qu’elle a imposés n’ont pas d’autre compensation que les cinq ou six millions de piastres saisis dans la forteresse de Revenduz, et destinés, dit-on, par le sultan à la réparation des places du Danube.

Si l’armée turque est désorganisée, insuffisante, mal conduite, la flotte ne l’est pas moins. Il y a des vaisseaux, mais il n’y a pas

  1. Deux entreprises qui ont coûté fort cher à Mehemet-Ali, la guerre du Sennaar et celle de l’Hedjaz, n’ont pas d’autre motif. Le vice-roi voulait des hommes pour ses armées sans épuiser l’Égypte. Il en a trouvé dans le Sennaar, puisqu’il a formé des régimens de nègres ; mais ils ont tous péri. Quant à la guerre de l’Hedjaz, qui n’est pas heureuse, il est probable que Mehemet-Ali se verra forcé d’y renoncer, en acceptant des conditions qu’il a déjà refusées des chefs de l’Assyr, un tribut sans la faculté de recruter parmi les Arabes de ces contrées.
  2. On croit à Constantinople que Revenduz-bey s’est engagé à payer tribut et à tenir quelques troupes à la disposition du sultan. C’était, si nous sommes bien informés, ce