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dernier terme de l’indemnité de guerre due à la Russie, et contribué par conséquent à déterminer une plus prompte évacuation de Silistrie. Le nombre des troupes rassemblées par Ibrahim-Pacha le long de la frontière septentrionale de la Syrie ayant inquiété la Porte, Mehemet Ali avait donné l’ordre de les rappeler dans l’intérieur du pays et avait même fait repasser plusieurs régimens en Égypte. De grandes manœuvres devaient avoir lieu, à l’imitation de l’Europe, dans les plaines d’Antioche ; elles pouvaient irriter le sultan et ressembler à une menace ; Mehemet-Ali avait renoncé à ce projet. Enfin, et toujours dans le même but, il avait décidé que sa flotte ne prendrait point la mer, pour ne pas se rencontrer dans la Méditerranée avec l’escadre de Tahir-Pacha. Toutes ces concessions, tous ces ménagemens, c’était la France qui les avait obtenus, la France amie éprouvée du vice-roi d’Égypte, ancienne et fidèle alliée de la Porte, médiatrice du traité de Kiutayah, gardienne vigilante de la paix du monde. Mehemet-Ali avait promis plus encore. Il s’était engagé à payer désormais le tribut régulièrement et à des époques rapprochées. Dans l’affaire des tarifs, il conservait l’attitude d’un vassal obéissant ; il s’attachait à dissiper les soupçons que l’Angleterre avait conçus, en favorisant l’expédition de l’Euphrate, en désavouant à toute occasion les desseins qu’elle lui supposait contre le pachalick de Bagdad, et surtout en répudiant toute idée d’une alliance ostensible ou secrète avec la puissance qui menace et serre l’islamisme de plus près. C’était beaucoup ; on voulut davantage : on espéra qu’il serait possible de faire succéder un état de confiance et de sécurité réciproque à cette observation inquiète et jalouse qui caractérise la situation respective de Mehemet-Ali et du sultan. En un mot, on eut la prétention de réunir les élémens divisés de l’ancienne puissance musulmane. C’était une illusion et une erreur. En poursuivant ce but, on ne se rendait pas bien compte des obstacles et des passions à vaincre ; obstacles dans la nature des choses, obstacles dans la nature des hommes ; passions indociles et presque légitimes de part et d’autre.

Une voix justement respectée prononça donc à Constantinople ces mots de rapprochement, de réunion, de réconciliation entre le vassal et le suzerain, entre les deux forces qui partageaient l’empire, et dont le partage l’affaiblissait en présence de l’ennemi