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HISTOIRE DU BOUDDHISME.

Et remarquez que le mendiant pour qui Bouddha se dévoue ainsi, est un brahmane, c’est-à-dire appartient à la caste des persécuteurs et des persécuteurs quelquefois atroces du bouddhisme. Le bouddhisme, dans une pareille légende, se montre supérieur à la division des castes, et aux représailles de la vengeance. Il dit à sa manière : Faites du bien à ceux qui vous persécutent.

Une foule d’actes que la légende attribue à Bouddha, expriment, sous une forme souvent bizarre, son dévouement universel, son inépuisable amour pour tous les êtres. Il fait l’aumône de ses yeux, l’aumône de sa tête, il livre son corps à un tigre qui mourait de faim pour lui sauver la vie[1].

L’histoire du pot d’or de Foë, que « de pauvres gens parviennent à remplir avec quelques fleurs, tandis que des gens riches qui apporteraient des fleurs en offrandes, pourraient en mettre mille ou dix mille grandes mesures, sans jamais parvenir à la remplir ; » cette histoire gracieuse est presque aussi touchante que notre vieille légende française du Barizel, ce baquet merveilleux que n’avaient pu remplir tous les fleuves, toutes les fontaines, toutes les mers, mais qu’une larme de repentir comble et fait déborder.

En général, la morale bouddhique respire une mansuétude et une tendresse qui embrasse tous les hommes et s’étend jusqu’aux animaux. Cette charité peut-être extrême les considère aussi comme le prochain de l’homme. Du reste, elle prescrit toutes les œuvres de miséricorde et d’humanité. Grace au bouddhisme, la peine de mort était abolie vers le temps d’Attila, dans le pays occupé aujourd’hui par les féroces Afghans. Le jugement de Dieu y était en vigueur, mais sous une forme bénigne. Il ne s’agissait point de saisir un fer rouge, ou de passer à travers la flamme d’un bûcher, comme dans les anciennes mœurs de l’Inde et de l’Europe ; quand deux personnes avaient une contestation, elles prenaient médecine, le crime avait infailliblement la colique et l’innocence ne s’en portait que mieux.

Un roi barbare avait voulu établir un enfer dans ses états ; mais un mendiant bouddhiste le convertit, il obtint la foi, et détruisit son enfer. Bizarre inconséquence de l’esprit de charité, car le bouddhisme a deux enfers, et dans chacun seize étages de tour-

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