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POÈTES ET ROMANCIERS DU NORD.

plus grande partie de ses jours tout seul, à l’écart, ne disant rien, et ne se livrant à aucun des exercices où les jeunes hommes de son âge aiment à montrer leur adresse ou leur audace. Les chevaliers le regardent comme un être à demi dénué d’intelligence, et le vieux roi s’afflige de n’avoir pas un autre fils. Un jour, le roi de Saxe envoie sommer Vermund de lui céder son royaume ou de se préparer au combat. Uffe assiste à l’audience de l’envoyé saxon ; il l’écoute en silence, puis se lève avec orgueil et accepte le combat. Le chevalier de Saxe, qui ne voyait en lui qu’un homme sans énergie et sans volonté, se met à rire ; mais Uffe se connaît, et il demande des armes. On lui apporte une cuirasse de fer, et en respirant il la brise ; une autre plus forte, et elle se brise encore. On lui donne les glaives d’acier les plus lourds, et il les rompt d’un seul coup en les balançant dans sa main. Son père envoie chercher sa vieille armure la plus belle, la plus large qu’il ait jamais vue. Uffe la pose sur sa poitrine. Elle est trop étroite et elle éclate. Enfin, on lui en fabrique une assez grande pour ses épaules de géant, et il marche au combat. Son père se fait conduire sur le champ de bataille. Il entend le cliquetis du glaive, les lances qui se brisent, et il tremble pour son fils. Il entend des cris de mort, et son cœur se serre ; mais un hérault lui dit que son fils a vaincu, et le vieillard verse des larmes de joie.

La ballade d’Agnete est le récit d’une tradition répandue dans tout le Nord. On la raconte encore à la veillée, on la chante dans les familles. Je l’ai entendu chanter un soir sur une mélodie ancienne. C’était tout à la fois tendre comme un soupir d’amour, et triste comme un accent de deuil[1].

« Agnete est assise toute seule sur le bord de la mer, et les vagues tombent mollement sur le rivage.

Tout à coup l’onde écume, se soulève, et le trolle de mer apparaît.

Il porte une cuirasse d’écaille qui reluit au soleil comme de l’argent.

Il a pour lance une rame, et son bouclier est fait avec une écaille de tortue.

  1. M. Andersen a écrit un poème sur le même sujet. Nous parlerons des œuvres de ce jeune poète dans un second article sur l’état de la littérature actuelle en Danemark.