Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/821

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
811
POÈTES ET ROMANCIERS DU NORD.

Elle joint les mains, la malheureuse ! et s’écrie : « Que Dieu ait pitié de moi et me rappelle bientôt à lui ! »

Elle tombe sur le gazon au milieu des tiges de violettes. Le pinson chante sur les rameaux verts, et dit : « Tu vas mourir, Agnete, je le sais. »

À l’heure où le soleil abandonne l’horizon, elle sent son cœur frémir, elle ferme sa paupière.

Les vagues s’approchent en gémissant et emportent son corps au fond de l’abîme.

Elle resta trois jours au sein de la mer, puis elle reparut à la surface de l’eau.

Un enfant qui gardait les chèvres trouva un matin le corps d’Agnete au bord de la grève.

Elle fut enterrée dans le sable, derrière un roc couvert de mousse qui la protège.

Chaque matin et chaque soir ce roc est humide. Les enfans du pays disent que le trolle de mer y vient pleurer.


Pour ceux qui veulent avoir le portrait de l’homme avec celui du poète, j’ajouterai quelques mots à cette esquisse littéraire. Œhlenschlœger est grand et fort ; il a le front élevé, la figure noble et expressive. Il me rappelle, par la douceur de son regard et par le charme de sa parole, Tieck le poète allemand. Dans le monde il cause peu, il hait les entretiens bruyans, et redoute surtout la discussion ; mais s’il est seul dans sa famille, ou au milieu d’un cercle d’amis, il parle avec cordialité et abandon. Il est gai comme un enfant. Quoiqu’il touche presque à sa soixantième année, il travaille encore avec l’ardeur de la jeunesse. Mme de Staël disait de lui : « C’est un arbre sur lequel il croît des tragédies. » L’arbre a gardé toute sa force, et nous espérons y voir mûrir encore plus d’un fruit poétique.


X. Marmier.