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Dès l’ouverture de la session, la chambre des pairs laissa percer ses inquiétudes et son refroidissement. Toutes les mesures proposées au sein de la chambre des députés pour obtenir des lois complémentaires de la charte, et pour la mise à exécution de ses dispositions principales, furent rejetées sans exception par l’autre branche du pouvoir législatif. Tout en protestant de leur attachement à la jeune reine et à l’empereur, son auguste tuteur ; tout en faisant même de temps à autre des professions de foi constitutionnelles, les pairs repoussèrent constamment, par leurs votes, des mesures qui, à vrai dire, n’étaient guère plus sincèrement souhaitées par bon nombre de députés, attachés par leur position et leurs intérêts à l’ancien ordre de choses, et dont l’inquiète prévoyance n’isola jamais la constitution de toutes ses conséquences administratives et financières.

Ainsi périssait la charte, ainsi se préparait la restauration miguéliste. À la session de 1828, que la contre-révolution devait clore si promptement, les pairs prirent une attitude encore plus hostile à toutes les réformes, et la plus grande partie de la chambre des députés parut elle-même céder au découragement profond que faisait naître la perspective d’un changement prochain dans le gouvernement. L’infante Isabelle-Marie n’avait été investie de la régence qu’à raison de la minorité de son frère. Or, les lois portugaises fixent la majorité à vingt-quatre ans, et l’infant don Miguel allait bientôt atteindre cet âge. Les termes mêmes de la charte lui conféraient la régence, et c’était donner une force immense au parti miguéliste, que de violer des droits évidens.

D’un autre côté, on ne se dissimulait pas à Lisbonne les dangers dont la présence de ce prince dans le royaume menaçait le frêle édifice constitutionnel. On savait que don Miguel n’était pas homme à reculer devant un parjure, et nul n’ignorait le terrible ascendant qu’exerçait sur sa volonté l’inflexible énergie de sa mère. Une foule d’hommes attachés au régime constitutionnel, qui, au 30 avril, avaient cru voir luire leur dernier jour, annonçaient hautement qu’ils quitteraient le Portugal au moment où don Miguel y reparaîtrait comme régent, leur vie ne pouvant y être en sûreté. Enfin, l’opinion générale à Lisbonne admettait une incompatibilité absolue entre le régime constitutionnel et la régence de l’infant, opinion qui ne pouvait manquer d’être comprise et partagée par le corps diplomatique. Cependant les cabinets les moins favorables à la diffusion des principes constitutionnels repoussaient comme immorale et désastreuse l’idée d’une contre-révolution en Portugal. Leur erreur