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LE PORTUGAL AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

tion législative d’intéresser dès ce moment le trésor, jusqu’à concurrence d’un dixième au moins dans toutes les spéculations d’utilité publique ayant pour objet d’ouvrir des routes, de creuser des canaux, de fonder des banques provinciales, etc., etc. ; magnifique programme, qu’on eût regardé comme fort hardi à Paris, et qui parut tout simple à Lisbonne.

Malheureusement cette année 1835, qui devait voir se réaliser tant de merveilles, fut signalée par une anarchie parlementaire et ministérielle sans exemple, et qui, dans ce moment même, paraît être plus vivace que jamais. Des cabinets furent formés, dissous, refondus en moins de temps qu’il n’en faudrait pour exposer les motifs de ces changemens ; une jeune reine se complut à jouer aux quatre coins ministériels avec tous ses caprices et sa mobilité de femme ; la chambre, ne sachant ni ce qu’on en attendait, ni ce qu’elle voulait, réclamait la dissolution pour demander quelque chose ; la populace de Lisbonne criait mort à Palmella, et les provinces écoutaient sans comprendre.

Quant à M. Carvalho, il en était pour ses théories. Si la vente des propriétés nationales, livrées à bas prix et à longs termes, couvrit les plus indispensables dépenses, la congrue à payer aux ecclésiastiques dépossédés, l’obligation d’entretenir aux frais de l’état une foule d’établissemens d’instruction publique et de charité, jusqu’alors sustantés par l’église, la nécessité de suppléer par des pensions au produit des commanderies, sous peine de voir la haute noblesse mendier dans les antichambres de la reine ; enfin, et avant tout, cette indifférence glaciale de l’opinion contre laquelle se brisaient les plus beaux projets de réforme, et qui laissait le champ libre aux démagogues comme aux miguélistes, tout cela assombrissait un horizon qu’on avait d’abord fait tout d’azur, et laissait prévoir de prochaines perturbations.

Lorsque l’émeute de la Granja eut rendu à l’Espagne cette constitution que ses plus fervens adorateurs ont mis tant de bonne volonté à modifier, les évènemens de septembre, en Portugal, purent être considérés comme inévitables. Il ne fallait plus qu’un bataillon, ressource qui n’a manqué à aucun parti dans ce pays, où l’on se met périodiquement à la fenêtre pour voir passer le pouvoir nouveau, porté sur les baïonnettes des prétoriens. La constitution de 1821 était sans doute en 1836 fort inconnue du Portugal, où elle n’avait produit que des discours ampoulés. La charte de don Pedro, encore qu’elle n’eût pas de profondes racines, se présentait au moins comme