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un monument consacré par de longues souffrances. On ne pouvait pas lui objecter comme à l’estatuto real de Marie-Christine d’être un essai fort incomplet et fort timide ; il devançait, en effet, de plus d’un siècle les mœurs et les idées du pays, et c’était par là, nous l’avons vu, qu’il avait une première fois succombé. Et cependant lorsque cette charte fut attaquée par un peloton de cette même armée, qui pendant deux ans avait versé son sang pour elle, la loi fondamentale de la monarchie ne rencontra pas un défenseur ! Et, par un contraste inattendu, on vit la garde nationale, c’est-à-dire le commerce de Lisbonne, prêter à l’œuvre de 1821, contre les projets si mal habilement combinés, il est vrai, de la cour, un appui dont l’énergie a pu surprendre, puisque c’est la première fois que le Portugal l’accorde à l’une ou à l’autre de ses constitutions politiques.

Pour comprendre ceci, il faut d’abord faire une large part à la susceptibilité nationale, blessée par la sotte apparition de quelques centaines de soldats étrangers, jetés sans but sur le quai de Belem, alors qu’il eût fallu répandre quelques mille livres sterling dans la foule en se tenant coi sur ses vaisseaux. Il faut surtout se rendre compte des irrémédiables souffrances d’une grande capitale commerciale, qui ne correspond plus à rien depuis que le malheureux Portugal, privé de sa principale colonie, a cessé de compter au nombre des grands états. Une irritation produite par des évènemens dont ce pays ne saurait se relever, et que la vieille antipathie du peuple confond avec sa haine contre la Grande-Bretagne, une prépondérance de plus en plus puissante, exercée par l’élément espagnol, telle est la double clé avec laquelle on pénètre, à bien dire, dès à présent, dans l’avenir de ce peuple.

La conduite prudente et réservée de la France, dans les dernières crises du Portugal, déterminera, on doit le croire, sa politique constante à l’égard de ce pays. Elle y conservera invariablement son attitude d’observation, en n’appréciant les évènemens du Portugal que dans leurs rapports avec la question espagnole, sans y rechercher une prépondérance aussi impossible qu’inutile. Le Portugal appartient à l’alliance anglaise par ses intérêts politiques, et sa dépendance n’est pas désormais moins obligée sous le rapport commercial. La nature, il faut le dire, l’a décidée bien plus encore que les traités ne la consacrent.

« L’objet de tout commerce, disait le publiciste le plus judicieux du dernier siècle, est de vendre le plus qu’on peut ; et, pour cela, il faut nécessairement traiter avec la nation qui peut le moins se pas-