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colléges électoraux, comme si d’un jour à l’autre la nation avait tout d’un coup vu des ennemis et des traîtres dans les plus illustres défenseurs de la cause libérale. « Quand bien même nous serions allés aux élections, disaient leurs partisans, si nous avions eu la majorité, ils n’en auraient pas siégé davantage dans les cortès ; car on aurait fait aussitôt, comme en juillet, une nouvelle révolution pour les proscrire. » Cependant le triomphe du parti exalté s’est arrêté là. Les élections du mois de septembre 1836 ont été sa dernière manifestation générale, et depuis cette époque, les cortès et l’administration, poussées par l’opinion publique, remontent péniblement vers l’ordre, avec des succès mêlés de revers.

Le premier symptôme de cette réaction est la lutte soutenue par le gouvernement contre Gaminde, Calvo de Rosas, et quelques autres brouillons qui voulaient ouvrir un club à Madrid, sous le nom de Société patriotique. Le conseil municipal s’en était fort ému, et il avait adressé des représentations à ce sujet. Alors le ministère, encouragé par ces démonstrations d’un nouvel esprit public, déclara aux président et secrétaires de la société, qu’il ne lui permettait pas de se former, et qu’il s’opposerait à toute tentative de réunion. Cet essai de résistance eut un plein succès ; il déjoua les plans insensés, mais dangereux, de quelques tribuns de bas étage, ridicules plagiaires de la révolution française dans ce qu’elle a eu de plus mauvais.

À partir de ce moment, il s’est rétabli un peu de sécurité dans la capitale ; les citoyens paisibles ont repris confiance, et les chances que donne l’anarchie à don Carlos ont recommencé à diminuer. Quand l’ouverture des cortès a eu lieu, ce mouvement de réaction avait pris encore plus de consistance ; les dispositions de la garde nationale de Madrid présentaient de meilleures garanties, et on s’élevait de toutes parts à l’idée de renforcer le pouvoir, qui en avait grand besoin et se hâta d’en profiter. Nous avons vu comment les cortès avaient été nommées. Leur origine et leur composition inspiraient beaucoup d’inquiétudes. On craignait que la régence ne fût point confirmée à la reine, et déjà on désignait parmi les nouveaux députés plusieurs personnages qui travaillaient à se la faire conférer, ou du moins à se faire adjoindre à la reine en qualité de co-régens. Cependant le ministère, que cette mesure aurait en quelque sorte annulé, et qui, d’ailleurs, en appréciait mieux tous les inconvéniens, promettait de s’y opposer et répondait même du succès. Il avait raison. Dès que les cortès furent ouvertes, et avant même que la moitié de leurs membres fussent arrivés à Madrid, soixante-six député