Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
210
REVUE DES DEUX MONDES.

proposé de marcher. On peut dire, sans trop s’avancer, que le souverain actuel de la Russie et son successeur obéiront infailliblement à cette double nécessité.

J’ai souvent admiré, pendant mon séjour en Russie, cette force supérieure aux forces humaines qui mène ce pays à un affranchissement social, par les voies mêmes qu’on suit pour le prévenir et l’empêcher. Ainsi les établissemens les plus gigantesques de la Russie, où il s’en trouve d’immenses, sont les hospices des Enfans-Trouvés. À Moscou, particulièrement, ils servent de lombard, et c’est par ces établissemens que la couronne prête sur les terres nobles, par le mode de l’engagement. Le lombard attaché à l’hospice des Enfans-Trouvés subvient amplement et bien au-delà, par ses bénéfices, aux frais énormes de ces maisons qui renferment des milliers d’enfans. J’ai déjà dit comment ces prêts par engagemens avaient fourni à un grand nombre de seigneurs propriétaires les moyens de se livrer à l’industrie, qui les éloigne peu à peu de Saint-Pétersbourg, et les décide à se retirer du service. Mais les établissemens d’enfans trouvés, fondés par la couronne et si richement dotés par elle, ne servent pas seulement à diminuer à la fois l’influence de la couronne sur l’aristocratie et l’esprit aristocratique, ils contribuent encore à l’extension de l’esprit démocratique et à la formation de la classe bourgeoise. Il y a long-temps déjà, le gouvernement russe ne répugnait pas à favoriser la procréation des enfans naturels, afin d’augmenter la population. Ce fut la pensée qui présida à la formation de ces établissemens, où les enfans, répartis selon leurs dispositions, peuvent embrasser toutes les professions, se livrer à toutes les études, et d’où ils ont la faculté d’entrer dans les académies et dans les corps savans. On compte aujourd’hui plusieurs officiers-généraux, des administrateurs d’un haut rang, et une foule de fonctionnaires sortis des maisons d’enfans trouvés. Le plus célèbre astronome de la Russie appartient à cette classe, d’où l’on apporte dans la société, comme on l’a remarqué, quelques sentimens qui ne s’effacent jamais. C’est dans cette classe et dans celle des fils de marchands riches, qu’on trouve, en Russie, les idées les plus libérales, idées qui s’accordent souvent, il est vrai, avec une profonde reconnaissance pour l’empereur, et surtout pour feue l’impératrice Marie, qui a tant fait pour les maisons d’enfans trouvés.

Quelques mots sur l’éducation publique trouvent ici leur place.

L’instruction publique, l’instruction véritable, a commencé en Russie, comme toutes choses, quoi qu’en disent les Russes, avec le