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DE LA RUSSIE.

Cet officier a publié depuis, en Angleterre, des documens intéressans sur la marine russe[1]. Venu à Saint-Pétersbourg dans l’été de 1836, il a été accueilli par l’empereur avec la bienveillance et l’urbanité parfaites que tous les étrangers trouvent près de ce souverain. Je citerai donc ses paroles, mais en faisant remarquer préalablement qu’un sentiment de patriotisme, bien louable sans doute, a, ce me semble, augmenté, aux yeux du capitaine Craufurd, depuis son retour en Angleterre, les inquiétudes que lui causent les progrès de la marine naissante de la Russie.

Ce qui a d’abord frappé M. Craufurd en Russie, c’est l’empressement que l’empereur met à montrer sa flotte et à fournir aux officiers étrangers tous les moyens de l’examiner ; c’est aussi l’activité immense et la connaissance pratique de l’empereur en ce qui concerne les manœuvres et les détails de l’armement maritime. Un officier-général prussien, le comte de Bismark, venu à Pétersbourg dans l’été de 1835, et qui a publié ses observations sur l’armée russe après avoir assisté aux manœuvres de Tzarskoé-Célo, comme M. Craufurd a publié ses remarques sur la flotte russe après avoir vu les manœuvres de Cronstadt, parle avec le même enthousiasme de la capacité et de la science militaire de l’empereur, de la connaissance approfondie qu’il possède de tous les détails des troupes, et de la précision avec laquelle il les commande, portant la connaissance du métier jusqu’à donner les signaux des mouvemens de cavalerie par son trompette, non pas seulement en prononçant le mot du commandement, mais en marquant lui-même avec la voix les airs usités pour les marches[2]. Il est facile de concevoir que les armées russes de terre et de mer doivent se ressentir d’un tel chef.

En cette année 1838, la flotte russe, mouillée à Cronstadt, se composait de vingt-sept vaisseaux de ligne, sans compter les frégates et les navires d’une moindre force. J’y ai compté moi-même trois vaisseaux à trois ponts, de 110 canons ; six à deux ponts, de 84, et dix-huit de 74, et de plus, un vaisseau rasé armé de 56 canons comme une frégate, une frégate de 52, et dix-sept frégates de 44 ; enfin, trois grandes corvettes et un assez grand nombre de bâtimens légers. M. Craufurd, qui visita cette flotte en même temps que moi, assu-

  1. The Russian fleet in the Baltic in 1836, with some remarks intended to draw attention to the danger of leaving our navy in its present extremely reduced state, by H. W.Craufurd, commander in the royal navy. London, 1837.
  2. Die kaiserliche russiche kriegsmacht im jahre 1833, von dem général-lieutenant grafen von Bismark. Carlsruhe, 1836.