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à suivre cet ordre nouveau dans l’édition du texte et dans sa traduction. Désormais les déductions d’Aristote s’enchaîneront, pour le lecteur moderne, avec cette simplicité rapide qui est une des qualités du génie. Pour ceux qui sont déjà familiers avec la sagesse politique du péripatéticien, ils auront, pour ainsi parler, à lier connaissance avec un nouvel Aristote, plus méthodique et plus lumineux, d’autant plus que la version du nouveau traducteur se fait lire avec entraînement. Exact sans contrainte, fidèle sans lourdeur et sans fatigue, M. Barthélemy Saint-Hilaire unit à la science du philologue l’habileté et le tact de l’écrivain. À le lire, on reconnaît un homme jeune dont l’érudition a fortifié l’intelligence et le patriotisme. Nous ne l’étonnerons pas en appelant son attention, quand il reverra son vaste travail, sur quelques taches, sur quelques imperfections qui peuvent déparer çà et là sa scrupuleuse exactitude, et l’élégante propriété de son style. Pour ces corrections faciles, les indications et les conseils des hommes compétens ne lui feront pas défaut, pas plus que ne lui ont manqué leurs suffrages, récompense honorable et méritée de nobles et sérieux travaux.

La politique était un objet inévitable de spéculation pour l’esprit grec, si abondant en aperçus et en théories, en systèmes et en observations. Aussi parmi les penseurs, les uns construisaient une cité idéale et cherchaient à l’élever à la beauté morale ; les autres traçaient l’histoire critique des constitutions connues, et travaillaient à en tirer d’utiles leçons. Avant Platon et Aristote, beaucoup avaient écrit sur la politique. Le nouveau traducteur a, dans sa préface, rassemblé les noms principaux de cette littérature : ainsi Épiménide avait fait un ouvrage sur la constitution crétoise ; Protagoras d’Abdère avait composé un livre intitulé : De la République ; Archytas de Tarente avait traité de la loi et de la justice ; Criton, l’ami de Socrate, avait rédigé deux traités, l’un sur la loi, l’autre intitulé le Politique. Nous pouvons citer encore les noms de Simon, le cordonnier, qui avait écrit sur la démagogie, d’Antisthène, de Speusippe, de Xénocrate de Chalcédoine. Au surplus, le meilleur témoignage de l’abondance de cette philosophie politique avant Aristote n’est-elle pas dans ces paroles du Stagirite même : « Parmi les hommes qui ont publié leur système pour la meilleure constitution, les uns n’ont jamais manié les affaires publiques et n’ont été que de simples citoyens ; nous avons cité tout ce qui dans leurs ouvrages méritait quelque attention ; d’autres ont été législateurs, soit de leur propre pays, soit de peuples étrangers, et ont personnellement gou-