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conduite de la révolution française. Le sujet, ainsi conçu, se rétrécit et perd le caractère d’impartialité qu’il devrait avoir ; mais si nous blâmons la conception de M. David, nous ne la condamnons pas absolument, car il a usé de son droit en choisissant dans notre histoire un moment déterminé, et le problème se réduit à savoir s’il a bien exprimé ce qu’il voulait. Éclairé par la discussion, peut-être eût-il consenti à élargir son programme ; mais sa pensée, en cessant d’être personnelle, serait devenue moins claire et moins précise ; et quelle que soit la sincérité de nos réserves, nous pensons que tous les ministres futurs feraient bien d’imiter la conduite de M. Guizot à l’égard de M. David, et de ne pas gêner les statuaires dans la conception des bas-reliefs qui leur sont confiés.

À gauche, nous voyons Bichat, Voltaire et Jean-Jacques Rousseau, David, Cuvier, Lafayette, Manuel, Carnot, Berthollet, Laplace, Malesherbes, Mirabeau, Monge, Fénelon ; à droite, le général Bonaparte et des soldats choisis dans toutes les armes ; au centre, la figure de la Patrie, ayant à sa droite la Liberté, à sa gauche l’Histoire. Ainsi, à la gauche du spectateur, de nombreux portraits d’hommes célèbres ; à droite, Bonaparte seul à la tête de l’armée. Il est évident que le statuaire n’a pas sans dessein établi entre les deux moitiés de son bas-relief une telle différence de caractère. Il ne faut pas une grande clairvoyance pour deviner qu’il a voulu personnifier le peuple dans l’armée. Cette pensée prise en elle-même ne serait pas inacceptable ; mais une objection toute naturelle se présente. Ce que M. David a fait pour l’armée, ne pouvait-il pas le faire avec une égale justice pour la science et la magistrature ? S’il y a parmi les soldats obscurs, dont l’histoire n’a pas recueilli les noms, des hommes qui auraient pu devenir des Turenne ou des Catinat, n’y a-t-il pas aussi parmi les esprits studieux à qui le temps et la liberté ont manqué, des hommes qui, placés dans une condition meilleure, auraient marché sur les traces de Descartes et de Pascal ? L’intention de M. David a-t-elle été de montrer que la gloire est accessible à tous, et que la patrie n’est ingrate envers personne ? Si telle a été son intention, il aurait pu l’exprimer plus clairement ; et puisqu’il avait placé aux deux extrémités de son bas-relief des enfans et des hommes de vingt ans qui se préparent à la grandeur par l’étude, il n’avait pas besoin de figurer la gloire militaire de la France par les armes diverses de l’armée. Je ne voudrais pas exagérer l’importance de mes objections, mais je ne crois pas devoir les passer sous silence, car le parti adopté par M. David donne à la partie droite de sa composition une