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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

Le portrait de Valérie elle-même revient, repasse sans cesse à travers cela, dans toutes les situations, dans toutes les poses, souriant, attristé, mobile, et comme amoureusement répété par mille glaces fidèles.

Le second volume offre quelques défauts qui tiennent au romanesque : je crois sentir que l’invention y commence. La fin, en effet, de ces romans intimes, puisés dans le souvenir, n’est guère jamais conforme à la réalité. Ils sont vrais à moitié, aux trois quarts ; mais il faut les continuer, les achever par l’idéal, ce qui exige une attention extrême, pour ne pas cesser de paraître naturel. Il faut faire mourir en toute vraisemblance son héros, tandis qu’il vit demi-guéri quelque part, à Bade ou à Genève. Il y a dans la seconde moitié un endroit où Gustave, près de quitter Valérie, et l’entretenant avec trouble, se blesse tout d’un coup au front en s’appuyant contre une fenêtre ; c’est là une blessure un peu illusoire et de convention ; le plus délicat des amans ne saurait se blesser ainsi. Un peu après, quand Gustave, passant durant la nuit près de la chambre de Valérie, chastement sommeillante, ne peut résister au désir de la regarder encore une fois, et qu’il l’entend murmurer en songe les mots

    l’autre l’idée de cette larme sur la joue de l’enfant qui est dans Valérie. Voici la pièce de Hadloub traduite en vers, avec cette dernière idée de plus, et dans un style légèrement rajeuni du xvie siècle, où l’on peut supposer que quelque Clotilde de Surville, voisine de Ronsard et de Baïf, ou mieux quelque Marie Stuart la rima :

    Vite me quittant pour elle,
    Le jeune enfant qu’elle appelle
    Proche son sein se plaça.
    Elle prit sa tête blonde,
    Serra sa bouchette ronde,
    Ô malheur ! et l’embrassa.

    Et lui, comme un ami tendre,
    L’enlaçait, d’un air d’entendre
    Ce bonheur qu’on me défend.
    J’admirais avec envie,
    Et j’aurais donné ma vie
    Pour être l’heureux enfant.

    Puis, elle aussitôt sortie,
    Je pris l’enfant à partie,
    Et me mis à lui poser,
    Aux traces qu’elle avait faites,
    Mes humbles lèvres sujettes :
    Même lieu, même baiser.

    Mais, quand j’y cherchais le bâme (baume)
    Et le nectar de son ame,
    Une larme j’y trouvai.
    Voilà donc ce que m’envoie,
    Ce que nous promet de joie,
    Le meilleur jour achevé !