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LES MAÎTRES MOSAÏSTES.

homme malade d’ambition, dont le talent et la souffrance vous semblaient devoir mériter de l’intérêt et de la compassion. Vous vous étiez promis de lui prouver qu’il vous accusait à tort d’être ses rivaux et ses ennemis. Plus attachés à mes leçons qu’à la vaine gloire dont il était avide, vous étiez sur le point de lui donner un grand exemple de vertu et de désintéressement, en le portant à la maîtrise volontairement et contre son attente. L’ingrat n’a pas su attendre cet heureux jour, où il eût été forcé de vous chérir et de vous admirer. Il s’est éloigné lâchement de maîtres qu’il n’a pas su comprendre, et de compagnons qu’il n’a pas su apprécier. Oubliez-le ; celui qui vous perd est assez puni ; où retrouvera-t-il des amitiés plus sincères, des services plus désintéressés ? Maintenant une place de maître est à votre disposition, car elle est à la mienne, et je n’ai pas d’autre volonté que la vôtre. Dieu me garde de faire un choix parmi des élèves que j’estime et que j’aime tous si tendrement ! Faites donc vous-mêmes son élection. Celui de vous qui réunira le plus de voix aura la mienne.

— Le choix ne sera pas long, dit Marini. Nous avions prévu, cher maître, que tu ferais cette année-ci comme les années précédentes, et nous avons procédé à l’élection. C’est sur moi qu’est tombée la majeure partie des suffrages de l’école. Ceccato m’a donné sa voix, et je suis élu. Mais tout cela est l’effet d’une injustice ou d’une erreur. Ceccato travaille mieux que moi, Ceccato a une femme et deux petits enfans. Il a besoin de la maîtrise et il y a droit. Moi, je ne suis pas pressé, je n’ai pas de famille. Je suis heureux sous tes ordres. J’ai encore beaucoup à apprendre. J’abandonne à Ceccato tous mes suffrages, et je lui donne ma voix, à laquelle je te prie, maître, de joindre la tienne.

— Embrasse-moi, mon frère ! s’écria Francesco en serrant Marini dans ses bras. Cette belle action guérit la plaie que l’ingratitude de Bartolomeo m’a faite au cœur. Oui, il y a encore parmi les artistes de grandes ames et de nobles dévouemens. Ne rougis pas, Ceccato, d’accepter ce généreux sacrifice ; à la place de Marini, nous savons tous que tu eusses agi comme il vient de le faire. Sois fier, comme si tu étais le héros de cette soirée. Celui qui inspire une telle amitié est l’égal de celui qui l’éprouve.

Ceccato, tout en larmes, se jeta dans les bras de Marini, et Francesco se mit en devoir d’aller sur-le-champ trouver les procurateurs, afin de leur faire ratifier la promotion de maîtrise due annuellement