Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/550

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
546
REVUE DES DEUX MONDES.

grande capacité pour les détails de la besogne ordinaire, mais une capacité plus grande encore pour combiner et diriger les mouvemens des fonctionnaires inférieurs et pour généraliser les résultats de leur activité. Mais son caractère, comme chef et principal organe d’un parti puissant dans l’état, est encore plus distingué que ses talens ministériels. Il a été, de bonne heure, appelé à ce poste ; les inconvéniens de sa jeunesse, ses manières désavantageuses, le défaut d’alliances aristocratiques, ont été effacés par son aplomb et sa résolution, par la constance remarquable de sa volonté, et par la prudence encore plus remarquable avec laquelle il a évité tous les dangers auxquels se sont exposés ses différens collègues, et sauvé sa barque des rochers sur lesquels, à plusieurs reprises, leur popularité s’est brisée. Inspirant peu d’attachement personnel, Peel a, dans tous les temps, inspiré la plus solide confiance politique, et ce n’est qu’être juste envers lui, que de dire qu’il a pris des peines peu communes pour la mériter et la conserver.

Il me semble que j’entends ici réclamer de toutes parts et demander si l’acte le plus important de sa carrière politique, son changement d’opinion et de conduite dans la question de l’émancipation catholique, n’est pas en contradiction formelle avec le jugement que je viens de porter. Sans doute, ce changement aurait pu le perdre à jamais dans l’esprit des siens. Mais indépendamment des circonstances qui font oublier tant de variations dans la vie des hommes publics de notre temps, le souvenir de l’effet qu’il produisit a rendu sir Robert Peel très circonspect, et lui a inspiré, avec la crainte d’encourir une seconde fois pareille accusation d’inconséquence, la ferme résolution d’éviter à l’avenir tout ce qui pourrait un jour le compromettre de la même manière. Aussi, quoique les whigs reprochent souvent à leurs adversaires cette mémorable apostasie de leur chef sur une question vitale, je n’imagine pas qu’il y ait maintenant en Angleterre, à la tête d’aucun parti, un homme dont les déclarations commandent et obtiennent autant de confiance. On s’est permis d’apprécier diversement la bonne foi et la probité de sir Robert Peel ; mais, au moins, tout le monde lui rend cette justice, qu’il n’engage pas légèrement sa parole et qu’il ne joue pas sa réputation pour des bagatelles. Il a trop d’expérience et d’adresse pour tomber dans ce défaut, pourtant si général parmi les ministres de tous les pays. Ses moindres paroles, prudemment pesées et toujours grosses de sens, expriment véritablement sa pensée, et il ne se réfugie pas, comme tant d’autres, dans ces lieux communs, vagues et indistincts, qui n’ont