Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/570

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
566
REVUE DES DEUX MONDES.

sées par les progrès de la révolution, au point de croire que le pays tout entier partageait leurs craintes ; que tous ceux qui avaient quelque chose à perdre ne cherchaient qu’un prétexte pour abandonner le parti de la réforme, et que le désir général de se dérober à ces maux imminens serait assez fort pour décider un certain nombre de représentans libéraux à braver l’opinion publique et le ressentiment qu’exciterait leur défection chez leurs commettans. Mais il arriva précisément le contraire ; le parti réformiste, une fois hors des affaires, oublia toutes les jalousies, toutes les querelles d’intérêt et d’opinion qui l’avaient divisé pendant qu’il était en possession du pouvoir. Dès que Peel fut entré à la chambre des communes comme premier ministre, il le trouva d’accord comme un seul homme contre lui et surtout contre toutes les tentatives qu’il fit pour le diviser et l’affaiblir.

La première épreuve des forces respectives de l’opposition et du ministère se fit sur une question qui n’a été prise que rarement pour pierre de touche, le choix du speaker, ou président de la chambre des communes. M. Manners-Sutton (depuis lord Canterbury), qui avait rempli ces fonctions pendant plusieurs années, était depuis quelque temps personnellement impopulaire auprès du parti réformiste ; de plus, l’opinion publique lui attribuait une part d’action dans le changement de ministère de novembre 1834 : ce ne fut donc pas, comme on l’a dit quelquefois, par esprit d’opposition contre sir Robert Peel, que lord John Russell et son parti choisirent la question de la présidence pour la première épreuve de leurs forces. D’ailleurs, ils sentaient combien il était important de frapper le premier coup promptement et d’une manière décisive. Ils emportèrent la nomination de leur ami Abercrombie, le 19 février 1835, dans la plus nombreuse assemblée qui se soit jamais vue de la chambre des communes. Une discussion sur la question de l’émancipation catholique, en 1827, avait réuni environ cinq cent soixante membres ; six cent huit, en 1831, avaient voté sur la question de la réforme ; et cette fois une simple question de personne en apparence réunit six cent vingt-six membres, dont trois cent seize votèrent pour l’opposition et trois cent six pour l’ancien président. M. Abercrombie fut nommé, et quelques jours après l’opposition obtint une autre victoire : elle emporta un amendement à l’adresse à une majorité de sept voix.

Ces chiffres, si faibles qu’ils fussent, étaient absolument décisifs. Dans ces deux occasions, beaucoup de membres neutres, qui ne cherchaient qu’une excuse pour s’attacher à la contre-révolution, avaient voté avec sir Robert Peel ; dans la première, par respect avoué pour