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par ce changement organique dont on a tant parlé. L’incontestable droit qui appartient à la chambre élective de refuser les subsides pécuniaires, est plus que suffisant pour cela. Les pairs mettront leur indépendance aussi haut qu’ils le voudront, mais il faudra bien qu’ils cèdent, si on a recours à cette arme terrible. D’un autre côté, je sais bien qu’avec la faible majorité dont il dispose, le ministère n’ose pas se résoudre à une démarche si grave, et il n’y a aucun motif raisonnable d’espérer que la dissolution du parlement augmenterait cette majorité. Pour le moment, on ne saurait donc attendre de l’un ou de l’autre parti un gouvernement fort et durable[1].

Je me suis fort étendu sur les détails de ce brillant épisode de la vie de sir Robert Peel, parce que la dernière partie de sa carrière présente beaucoup moins d’intérêt. Il continue à gouverner l’opposition, mais son génie particulier le rend moins propre à ce rôle qu’à la direction d’un ministère. Ses partisans sont complètement subjugués par la supériorité de son génie ; mais ils le trouvent hautain, froid, plein de confiance en lui-même ; souvent il les froisse en adoptant à leur grande surprise une ligne de conduite à laquelle ils n’étaient pas du tout préparés. Ainsi, en 1836, ils furent très étonnés quand sir Robert, au lieu de s’opposer au bill de réforme des corporations municipales, unit sa voix à celle des radicaux pour condamner la conduite et la composition de ces corps exclusifs, et demander l’adoption d’un nouveau système. Pour ce motif et pour d’autres encore, depuis quelque temps plusieurs membres du parti conservateur sont disposés à adopter le langage et les sentimens de lord Lyndhurst, homme d’état plus hardi et plus énergique, de préférence à ceux de leur ancien chef. Mais ce n’est là qu’un caprice passager, car ils savent bien que Peel est le seul chef de leur parti qui inspire une grande confiance à l’opinion publique.

Il est clair que sir Robert Peel considère sa rentrée au ministère comme un évènement probable qui peut s’accomplir d’un moment à l’autre. Son espérance peut se réaliser de deux manières : une légère défaite dans la chambre des communes, ou même la seule irritation produite par l’opposition perpétuelle de la chambre des lords, peut engager le ministère actuel à donner sa démission. Lord John Russell a, le 7 février de cette année, laissé entrevoir que telle serait son intention dans le cas où la réforme des corporations municipales de

  1. On voit que ceci a été écrit avant la mort de Guillaume IV, et l’avénement de la reine Victoria, qui a amené la dissolution de la chambre des communes.