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plus hautes que celles des villages de Long-Island et des Hébrides. Elles n’ont pas de toits, seule façon d’éviter que les toits ne soient emportés par les ouragans épouvantables qui se déchaînent sur l’île pendant l’équinoxe. Les portes en bois ont des verrous de bois assez inutiles, dans un pays où il ne peut y avoir de voleurs, et où d’ailleurs il n’y a rien à voler. Le curé nous dit plus tard que c’étaient les mères de famille qui avaient fait placer ces verrous ; alors nous devinâmes pourquoi. Ces verrous ont-ils empêché les vols que ces bonnes femmes redoutaient ? Nous en doutons fort. Toutes les maisons sont divisées en deux parties, l’une, la partie intérieure, qui sert d’habitation à toute la famille, qui s’y couche dans des lits en pierre établis dans l’épaisseur de la muraille, comme autant de fours pouvant enfourner chacun trois ou quatre individus, selon l’âge et la taille. L’autre partie de la maison, plus voisine de la porte, reçoit les bestiaux dans les mauvais temps de l’hiver.

Le ministre, qui était venu au-devant de nous, nous offrit sa maison pour la nuit ; mais comme la propreté ne paraît pas une des vertus chrétiennes de Saint-Kilda, et qu’elle n’était certainement pas une des vertus domestiques du bon prêtre, ainsi que nous pûmes en juger au premier coup d’œil, nous préférâmes à ce gîte rustique les cabines de Kitty, et nous priâmes seulement le bonhomme de faire avec nous un tour de promenade dans l’île. Cette promenade ne pouvait être longue, l’île n’ayant guère que trois milles, de l’est à l’ouest, et deux milles, du nord au sud ; mais elle n’en était pas moins pénible et fatigante, tant le sol est inégal.

Sir Thomas, en se hissant à travers les rochers et sur des pentes couvertes de troupeaux, soufflait comme un marsouin. Il ne perdait pourtant pas la parole, et il adressait, au ministre qui nous accompagnait, toutes les questions dont les voyageurs sont si prodigues.

— Combien d’habitans dans l’île ? lui dit il.

— Cent vingt et quelques autrefois ; de 1700 à 1764, cent quatre-vingt, mais dans cette fatale année (1764) la petite-vérole réduisit la population à quatre-vingt-huit individus.

— Ces hommes sont-ils d’origine irlandaise ou écossaise ?

— Ils sont de la même race que les habitans des Hébrides.

— Quelle langue parlent-ils ?

— La langue gaélique.

— Ils ne portent cependant ni plaids, ni toques, et je ne crois pas qu’ils aient jamais porté le philabeg (tablier des Écossais) ; leur costume, en un mot, ne ressemble en rien au costume des Highlanders.

— Cela est vrai ; mais ils ne diffèrent des Highlanders que par le costume.

— Quelle est l’étendue des terres labourables ?

— Peu considérable : une centaine d’arpens environ. Les terres cultivables présentent une plus grande superficie ; mais on ne peut guère ensemencer utilement que ces pentes du sud-est, cette partie de l’île étant seule bien abritée contre les terribles vents du nord-ouest.

— Que sème-t-on dans les terres cultivées ?