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SOUVENIRS D’ÉCOSSE.

— De l’orge et de l’avoine, comme dans Long-Island, et cette orge, qui croit au milieu des tempêtes, est la plus belle des Highlands. L’avoine est mauvaise.

— Y a-t-il quelques jardins ?

— Aucun, le vent ne permettant à aucun arbre de croître. On plante seulement, dans les endroits les mieux abrités, quelques choux et des pommes de terre ; mais ces légumes sont à peine mangeables.

— Avec quels instrumens cultive-t-on la terre ?

— Avec la bêche et le caschrom, ou charrue à main (d’après le système de Rum-Rey).

— Qui cultive ces terres ?

— Tout le village, qui se partage le produit par parts égales.

— Et ce peu de terres cultivées peut nourrir toute la population ?

— Oui, tant le système de culture et d’assolement du pays rend les terres fertiles. Le sol cependant est assez pauvre de sa nature, mais nos travailleurs savent l’améliorer. Ils commencent par bêcher la terre avec soin, ils brisent ensuite les mottes avec un maillet et les ratissent pour en ôter jusqu’aux moindres fragmens de pierres, jusqu’aux moindres herbes ou racines sauvages ; ils couvrent ensuite cette terre ainsi travaillée d’un engrais qu’ils préparent avec un soin tout particulier et d’une manière fort originale. Voici de quelle façon ils s’y prennent : ils brûlent d’abord beaucoup de tourbe sèche, ils en étalent ensuite la cendre dans la chambre où ils mangent et dorment. Ils recouvrent cette cendre de terre, et recouvrent ensuite cette terre de cendres nouvelles, formant de cette façon plusieurs couches qu’ils arrosent, et qu’ils pétrissent avec les pieds jusqu’à ce qu’ils en aient fait une sorte de pâte sèche sur laquelle ils allument leurs feux de tourbe pendant tout l’hiver, transportant leur foyer d’une place à une autre, jusqu’à ce que toute la pâte formant parquet soit de nouveau pulvérisée ; alors sur cette poussière, ils déposent de nouvelles couches qu’ils brûlent encore, de sorte qu’à la fin de l’hiver, leurs maisons, dont, au reste, ils ont soin de tenir les murailles plus élevées qu’elles ne le sont dans aucune des îles de l’ouest, sont remplies de cendres aux deux tiers, et que ce singulier parquet allant presque toucher au plafond, leurs habitans ont peine à se tenir debout. Au printemps, chaque maison se vide, et l’engrais préparé de cette manière est d’une si excellente qualité, qu’il double certainement la fertilité des terres.

— J’en donnerai la recette à mes amis d’Écosse, dit sir Thomas en riant ; je doute cependant qu’ils essaient jamais de s’en servir, ou plutôt de le fabriquer, nos fermiers surtout, qui tiennent à avoir les planchers de leurs maisonnettes si soigneusement balayés et tous leurs meubles si luisans.

— En effet, le balai n’est guère en usage à Saint-Kilda, à ce qu’il me semble.

— L’éponge non plus ; aussi je crains bien qu’à la fin de l’hiver, le corps de ces bons insulaires ne soit aussi fertile que leurs terres. Il doit certainement être terriblement fumé, et couvert d’une couche d’engrais.