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REVUE. — CHRONIQUE.

n’est pas disposé à prendre la route où il a refusé de s’engager, il y a quelques mois. Serait-ce M. de Montalivet qui ouvrirait ainsi la porte du ministère à M. Guizot et à quelques-uns de ses amis ? Mais M. de Montalivet n’a-t-il pas refusé, aussi positivement que M. Molé, de coopérer à la formation d’un cabinet doctrinaire ? M. de Montalivet ne demandait-il pas, lors de la dernière crise, que M. Guizot consentît à rester au ministère de l’instruction publique, et que les deux portefeuilles si importans de l’intérieur et des affaires étrangères fussent en des mains qui n’eussent pas été disposées à s’en dessaisir en faveur des doctrinaires, ministres ou non ? On ne peut douter que toutes ces appréhensions ne soient chimériques ; mais il est important pour le ministère de les dissiper, car elles ne manqueraient pas de jeter le découragement dans les colléges électoraux, et elles pourraient, si elles étaient habilement entretenues, amoindrir ou même dissiper des majorités qui lui sont acquises, s’il persévère loyalement, comme nous n’en doutons pas, dans la voie qu’il a suivie avec tant de succès jusqu’à ce jour.

Ce serait, en vérité, faire trop beau jeu au parti doctrinaire, que de le compter aujourd’hui parmi les nécessités de la session prochaine. Que demandait ce parti ? Que promettait-il au pays en échange des lois de rigueur, des destitutions, des coups d’état dont il le menaçait ? La paix, l’ordre, le respect des lois (d’exception !), le repos. Toutes ces choses sont venues sans coups d’état, sans destitutions, sans lois de rigueur. Elles sont venues par des moyens tout contraires à ceux que le parti doctrinaire avait proposés dans les conseils du roi. Elles sont venues par une amnistie, acte réprouvé par les doctrinaires et regardé par eux comme le signal de la chute de la monarchie ; elles sont venues par un système de tolérance et de conciliation, système tout opposé aux grands moyens d’intimidation conçus par M. Guizot et ses amis. Ces actes ne pouvaient avoir lieu, selon les doctrinaires, qu’au moyen de larges concessions fatales à la monarchie de juillet, par un abandon de tous les principes qui ont soutenu le gouvernement depuis le 13 mars, par l’oubli de la politique qui maintint la paix et l’ordre dans le pays depuis le ministère de Casimir Périer. Ces actes ont eu lieu, et les principes n’ont pas été toutefois abandonnés ; aucune grande concession politique n’a été faite ; les lois de septembre, que nous avions nous-mêmes jugées trop rigoureuses, n’ont pas été abandonnées ! Les tentatives contre la personne royale ont cependant cessé ; la licence de la presse a pu être réprimée sans loi d’exception, l’anarchie prévenue sans une destitution de fonctionnaires en masse. La paix, l’ordre, se sont consolidés, uniquement parce que l’acrimonie a disparu du pouvoir. Et aujourd’hui, quand cet heureux changement s’est accompli, quand on a passé sans secousse de l’état si alarmant où le ministère doctrinaire avait jeté l’opinion publique, à la situation calme et rassurante où nous nous trouvons aujourd’hui, on songerait à rappeler au pouvoir ceux qui n’ont su ni reconnaître le mal, ni appliquer le remède ; on concevrait l’idée de partager avec eux ce pouvoir, qui disparaissait, dans leurs mains, à force de secousses ! Ce n’est assurément ni un membre du