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REVUE. — CHRONIQUE.

chose, n’existe réellement qu’à la surface du pays. Le pays lui-même est calme, satisfait du présent, sans inquiétude pour l’avenir. Ses dispositions envers le pouvoir sont bienveillantes et raisonnables ; il y a dans les esprits confiance et sécurité. Les intérêts matériels qui ont repris le dessus et qui absorbent une grande partie de la nation électorale, se montrent plus exigeans que les passions politiques dont ils tiennent la place ; rien n’annonce que les élections doivent donner de graves embarras au pouvoir, et on ne saurait guère, dans l’état actuel de la société, imaginer de circonstances où cette crise nécessaire dans la vie des gouvernemens représentatifs ait chance de se passer plus doucement.

Est-ce que les partis auraient donné leur démission ? Non, certes ; ils existent, ils parlent tous les jours au pays par la presse ; ils en appellent tous les jours à l’opinion publique des nombreux mécomptes qu’ils ont essuyés depuis sept ans. Mais ils sont évidemment beaucoup plus faibles que le pouvoir ; ils n’ont pas de symbole commun ; ils ne peuvent s’accorder, ni sur le but, ni sur les moyens ; ils se rendent mutuellement responsables des avantages que le gouvernement s’est assuré, et se reprochent à l’envi leur esprit d’exclusion et d’intolérance. L’attitude de l’opposition trahit en effet, depuis quelques jours, la gravité des embarras qui l’assiègent, la profondeur des dissensions qui l’affaiblissent, et, par-dessus tout, le manque, aujourd’hui bien constaté, d’un cri de guerre commun, au nom duquel elle puisse raisonnablement espérer que le pays s’émeuve et se passionne.

Voyez le parti légitimiste qui a pris les devans et lancé le premier son programme, sous l’inspiration malheureuse de quelques prétendus habiles, maintenant désavoués par le plus grand nombre des leurs. Unanimement repoussé par toutes les nuances de l’opposition libérale, il a sacrifié en pure perte ses doctrines politiques, renié en vain son passé, caché son drapeau, sans réussir à enrôler personne sous le drapeau étranger qu’il arborait. Son programme n’est pas seulement une faute, c’est une abdication et l’aveu d’impuissance le plus clairement formulé que ses ennemis aient pu désirer. En vérité, ce serait perdre le temps à plaisir que d’en aborder la démonstration sérieuse, et nous ne nous croyons nullement obligés de l’entreprendre. Mais, il faut le dire, c’est une étrange folie que celle de gens qui, après avoir gouverné la France pendant quinze ans, la croient assez oublieuse pour lui offrir en leur nom et comme leurs doctrines de gouvernement, tout le contraire de celles qu’ils ont appliquées pendant ces quinze ans par des instrumens divers et avec tous les moyens imaginables de mettre en œuvre d’autres théories politiques, s’ils en avaient eu. Les carlistes ont des regrets, des affections, des espérances, que la France nouvelle est bien loin de partager. Il n’y en a pas un qui, pris isolément, ne s’en fasse gloire. Pourquoi donc le parti tout entier les dissimule-t-il comme autant de crimes, quand il agit collectivement et en sa qualité de parti, si ce n’est parce qu’il n’a pas foi en lui-même et qu’il craindrait de n’être pas compris en parlant sa propre langue ? Et voilà pourtant ce que les journaux légitimistes, je me trompe, deux sur quatre, prônent comme un chef-d’œuvre de tactique et d’adresse au milieu de la risée universelle ! Les autres élémens de l’opposition n’ont pas eu jusqu’ici beaucoup plus de bonheur. On a initié le public à un projet de comité central qui se serait formé à Paris, sous les auspices d’hommes éminens, pour diriger les élections. On a prononcé quelques noms, de ceux qui figurent au premier rang, soit dans la presse opposante, soit sur