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d’enthousiasme sacré. C’est à tort. Nous croyons, nous, que Mme Stoltz, sans affectionner plus qu’il ne convient toutes les extravagances de pantomime inventées par le théâtre moderne, sent assez vivement le drame qu’elle exprime pour ne pas lui faire défaut. Seulement, la préoccupation incessante où elle est de la mesure et de l’intonation concentre en elle toute inspiration et l’empêche de se produire au dehors. Mme Stoltz hésite dans la musique ; de là tous les défauts qu’on lui reproche. Comment voulez-vous qu’une cantatrice s’abandonne aux élans généreux de son ame, quand elle tremble pour la note qu’elle va saisir ? Mme Stoltz se renferme dans sa partie et n’en sort pas : on voit trop que les soucis qui dévorent Valentine viennent moins de la querelle des catholiques et des huguenots que des embarras d’attaquer certaine note aiguë qu’elle attend au passage. La plupart du temps Mme Stoltz tient ses yeux fixés sur l’orchestre ou Duprez qu’elle semble interroger ; l’inquiétude qui se trahit sur son visage, tôt ou tard se communique au public, et finit par glacer toute sympathie : car en effet rien n’est insupportable comme de se méfier de sa cantatrice et de redouter à tout moment la pointe d’une fausse note qui vous pique au vif. Cette alternative vous impatiente et vous irrite ; vos sensations changent vingt fois en deux minutes, de telle sorte qu’une cavatine finit par devenir un pari de tapis vert. Or, on ne va pas au théâtre pour y chercher les émotions du jeu. Que Mme Stoltz acquière les qualités musicales dont nous parlons, et vous verrez si ces apparences fâcheuses ne tardent pas à s’évanouir ; je défie qu’une femme de talent et de cœur devienne cantatrice sans devenir en même temps comédienne. Le travail se fait sans qu’elle y prenne garde, presque insensiblement. Aux Italiens du moins, cela s’est toujours passé de la sorte ; pour trouver des exemples du contraire, il faudrait les aller chercher à l’Opéra Comique, où l’on naît comédien, mais où en revanche l’on ne meurt guère chanteur. Qu’avant tout Mme Stoltz apprenne à modérer sa voix. Il est impossible, quand on se sent le pied sur un terrain qui glisse, d’aller et de venir librement, comme il convient ; on demeure à sa place, immobile ; on hésite, on n’ose faire un pas, on garde en soi toute chaleur, crainte de trop s’aventurer en voulant tenter plus. L’intonation, encore une fois ! mais c’est là tout le secret d’une cantatrice, c’est la puissance de son geste, la beauté de son regard, l’aisance de sa démarche, l’harmonie enfin de toute sa personne. — Dans le caractère de Raoul, Duprez trouve des effets inouis. Au quatrième acte, surtout, rien n’égale son enthousiasme, et la magnificence de sa voix. Comme il chante la cavatine que Meyerbeer a mise dans le duo ! Comme il traduit à merveille les moindres nuances de cette profonde musique ! Il y a au commencement de ce duo, qui est un chef-d’œuvre, une inspiration adorable, une phrase de quelques mesures si rapide et si délicieuse, qu’elle passe comme un éclair, mais comme l’éclair d’un diamant. Duprez dit cette phrase avec un charme qu’on ne saurait exprimer. Après la dernière mesure, au lieu de s’arrêter, et de conclure la période comme faisait Nourrit, il continue et jette encore un son voilé qui s’évanouit doucement comme un soupir, de sorte qu’on dirait que la note divine de Meyerbeer se reflète dans le cristal de sa voix.

La partition du Duc de Guise, que l’Opéra-Comique a représenté cette semaine, est une œuvre qui se recommande par les hautes qualités de style et d’instrumentation qui ont valu à M. Onslow cette belle renommée que nul en France ou en Allemagne ne lui conteste. Il serait à souhaiter que les