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DU POUVOIR EN FRANCE.

les commentaires contradictoires qui se faisaient il y a si peu d’années sur son principe et les engagemens contractés, disait-on, par elle. Ces commentaires étaient néanmoins, pour la plupart, écrits avec une égale conviction, et n’avaient que le tort de présenter comme simple une situation fort complexe, qu’ils n’embrassaient que par un côté.

Quand un aide-de-camp de M. de Lafayette voyait dans la révolution de juillet la sanction des doctrines et des espérances de son général[1], il n’avait pas tort, car M. de Lafayette prit ou se laissa imposer, après les trois journées, une sorte de rôle de lord protecteur, et son autorité coexistait avec celle du monarque, si elle ne la dominait pas. Lorsque le membre sur la proposition duquel la chambre vota la charte de 1830, en se reportant, par ses souvenirs de l’Hôtel-de-Ville et des barricades[2], aux premiers jours de la révolution, affirme qu’elle a trompé ses espérances et confondu ses prévisions, cela se comprend, car il est certain qu’elle a remanié presque tout son personnel, et que les rangs de l’opposition se sont recrutés des hommes dont l’énergie contribua surtout à en décider l’issue.

D’un autre côté, lorsqu’un orateur de franchise a soutenu à la tribune, devant les susceptibilités éveillées par sa parole, que le duc d’Orléans avait été appelé au trône parce que sa naissance le plaçait à côté, et qu’il était du bois dont la Providence fait les rois, il était impossible de contester avec quelque bonne foi l’évidence d’une pareille énonciation. Si le sang d’Henri IV ne lui avait créé un titre d’un ordre supérieur, pourquoi les popularités libérales, plus rapprochées et plus connues du peuple que ne l’était alors le premier prince du sang, se seraient-elles inclinées devant lui et l’auraient-elles conjuré de se dévouer au rôle de médiateur entre la France et l’Europe ?

Si, au lieu de naître au Palais-Royal et de marcher par lui-même et par ses alliances de pair avec les rois, M. le duc d’Orléans s’était rencontré chasseur de la garde nationale, ou même avocat, ce qui pourtant n’est pas peu de chose, on ne serait pas allé, je pense, le quérir en sa boutique ou à son cabinet pour lui dresser un trône avec les débris de celui que l’on venait de mettre en poudre. Cela n’est douteux pour personne, pas même pour ceux qui le contestent. Et cependant que peut répondre le parce que Bourbon au quoique Bour-

  1. Lafayette et la révolution de juillet, par M. Sarrans.
  2. Souvenirs historiques de la révolution de 1830, par M. Bérard.