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DU POUVOIR EN FRANCE.

stituée à la pensée d’ordre administratif et de force bourgeoise qui avait fait la puissance de M. Périer. Quand la subordination hiérarchique eut été rétablie dans le gouvernement, que l’émeute eut cessé de gronder dans les rues et que la France eut repris confiance en se sentant gouvernée, on crut que l’instant était venu de commencer dans la sphère de l’intelligence ce qui n’avait encore été tenté que dans celle des intérêts ; on pensa qu’une magistrature vraiment sociale pouvait succéder à l’action d’une sorte de commissariat de police.

Les hommes éminens qui se vouèrent à une pareille tâche, et dont les destinées semblent désormais associées au triomphe de cette doctrine elle-même, avaient-ils bien compris la situation de la France, et ne demandèrent-ils pas à l’ordre politique ce qu’il est impuissant à donner ? Avaient-ils par eux-mêmes, dans le pays, la force et l’autorité qu’une telle tentative présuppose ? ne se laissèrent-ils pas aller enfin au danger de confondre la puissance appartenant à la pensée dont Casimir Périer leur avait légué l’héritage, avec celle qu’ils supposaient inhérente à leur doctrine elle-même ? Et d’abord, que faut-il entendre par l’école doctrinaire ? qu’apportait-elle à la monarchie de 1830 ? quelles étaient ses racines, et quels obstacles devait-elle rencontrer ?

On a cherché à donner une filiation historique à cette école, en la suivant dans ses transformations successives, depuis les derniers jours de l’empire jusqu’à l’époque actuelle. On l’a montrée naissant d’abord comme une protestation solitaire de la pensée contre la force, s’associant déjà dans le corps législatif à une opposition courageuse, acceptant ou préparant la restauration comme un retour vers une idée de droit, comme un moyen de relever l’espèce humaine de la déchéance imposée par une glorieuse et longue servitude. Aux Cent-Jours, on a suivi ses disciples à Gand ou dans la retraite : survient 1815 comme une évocation de Coblentz ; ils se rencontrent alors en face de l’aristocratie de naissance dans une position analogue à celle où ils s’étaient trouvés d’abord devant l’aristocratie des armes.

Ils comprirent de bonne heure les résistances nationales, et surent s’y associer. Rejetés en 1821, par l’avènement de la droite aux affaires, dans une opposition qui eût été par elle-même inefficace, mais dont ils doublèrent la force en la liant à celle que les irritations libérales avaient si fortement organisée, ils suivirent la ligne qui les mena à travers la société Aide-toi jusqu’à l’adresse des 221, prologue de la révolution de 1830. On les vit alors essayer d’appliquer sous un autre drapeau,