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DU POUVOIR EN FRANCE.

la plus remarquable de notre histoire par l’unité de la puissance politique et l’harmonie extérieure de la société, au siècle de Louis XIV enfin, il y avait des factions aussi puissantes au moins, et certainement plus passionnées que celles contre lesquelles le pouvoir est appelé à lutter dans le nôtre, factions en conspiration permanente avec l’étranger, et qui comptaient sur lui comme celui-ci faisait toujours fonds sur elles ? N’était-ce pas un parti que les trois cent mille réfugiés qui couraient l’Europe pour l’ameuter contre Louis XIV ? N’est-ce pas un parti qui prépara la ligue d’Augsbourg, organisa la terrible insurrection des Cévennes, et qui armait contre la France ces régimens d’émigrés, à la tête desquels l’un de ses guerriers, le maréchal de Schomberg, trouva la mort à la Boyne ? N’étaient-ce pas des publicistes de parti, et de la plus terrible espèce, que les Jurieu, les Claude, les Ferry, et tant d’autres ennemis personnels du prince et de son système ? N’était-ce pas à des passions de parti que s’adressait le marquis de Guiscard, lorsqu’il parcourait les castels du Rouergue, du Quercy et du Béarn, prêchant l’union des catholiques et des protestans contre l’oppression politique et religieuse, préparant une insurrection que des débarquemens ennemis devaient fomenter en même temps en Normandie et en Provence ? Croit-on que les victoires de Guillaume III ne fussent pas saluées comme de bonnes et saintes nouvelles dans ces nombreux châteaux de noblesse huguenote qu’arrosaient l’Ardèche et le Rhône, au sein de ces assemblées nocturnes, où l’on portait une Bible d’une main et la carabine de l’autre, et jusque dans ces bonnes villes de commerce où de nombreux proscrits avaient laissé des frères selon le sang, et des frères cachés selon la doctrine ? Un vingtième de la population du royaume était alors en état d’hostilité secrète ou patente contre le gouvernement du pays ; et cette redoutable faction s’appuyait au dehors sur les plus puissantes combinaisons politiques et militaires, comme sur les haines les plus inexorables.

Si l’Europe se persuade qu’il est en France un parti quelconque aussi bien organisé que celui-là, une foi politique aussi vive que l’était alors la foi protestante exaltée par la persécution, elle se trompe bien gratuitement ; et dans l’intérêt de son repos comme dans celui de notre propre dignité, il est urgent qu’elle le comprenne.

La France possède en ce moment, et nous constatons ici un fait actuel sans entendre en rien garantir l’avenir, la France possède, disons-nous, la pleine et entière disposition de ses ressources ; et le mal de la situation ne viendrait-il pas précisément du parti pris de ne