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de plusieurs cités, qui ne sont unies entre elles par aucun lien administratif et où le même ordre règne pourtant dans tous les quartiers, comme s’il ne dépendait pas de différentes administrations, et comme si chacune de ces administrations locales ne votait pas à son gré, sans relever d’aucun contrôle supérieur, la police, l’éclairage, le pavé des rues, la propreté de la voie publique, l’entretien des pauvres et jusqu’à l’éducation des enfans.

Nulle part ce défaut d’action de la part du gouvernement sur le pays n’éclate à un plus haut degré que dans le système de l’impôt. Rien ne s’y fait directement. Le fisc ne saisit ni la personne ni la propriété ; il tourne autour avec un grand soin, par exemple, et marque au passage tous les objets de consommation. Les contributions directes se réduisent à la partie de l’impôt territorial (land tax) qui n’a point été rachetée, et qui produit 30,000,000 de francs, ainsi qu’aux impôts compris sous la dénomination générique de taxes assises (assessed taxes). Les taxes assises sont des impôts de quotité que M. Pitt établit, à titre de contribution de guerre, en 1798. Elles portent sur les maisons et sur les fenêtres et comprennent plusieurs taxes somptuaires, sur les domestiques mâles, sur les armoiries, sur les voitures, sur les chevaux et sur les chiens. Les taxes assises, qui avaient rapporté, en 1820, plus de 112 millions de francs, par suite de plusieurs dégrèvemens successifs, ne rendaient plus, en 1834, que 94 millions. Ainsi les contributions directes produisent, au total, pour la Grande-Bretagne, un revenu de 125,000,000 francs, à peine le dixième du revenu général de l’état.

Les impôts créés par M. Pitt pendant la guerre, sous la dénomination d’income-tax et de property-tax, ont été abolis à la paix ; depuis cette époque, les économistes demandent en vain que l’on revienne à un système d’impôt qui contrarie les habitudes du pays. Une raison décisive s’y oppose : en fait, la propriété supporte les taxes locales qui s’élèvent à plus de 600 millions de francs, et l’on ne peut pas demander à la même source le revenu général de l’état.

C’est ici qu’il devient possible de saisir dans toute sa netteté la différence caractéristique qui sépare l’Angleterre de la France. Chez nous, où la propriété est très divisée et se constitue démocratiquement, on réserve l’impôt direct pour les besoins de l’état ; l’impôt indirect forme, au contraire, le principal revenu des communes, et ce n’est qu’à défaut de cette ressource qu’on les autorise à s’imposer, au principal des quatre contributions directes, un certain nombre de centimes additionnels. Chez nos voisins d’outre-mer, où l’aristocratie