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LE LÉZARD DE SAINT-OMER.

— Le nom de l’église où l’on voyait les deux animaux ; mon père, qui a été élevé à Saint-Omer, a vingt fois cherché à se le rappeler. J’espérais pouvoir lui donner cette petite satisfaction.

— Il y a donc quelque fait réel sur lequel on a bâti cette histoire.

— Sans doute comme il y en a au fond de presque tous les contes populaires ; mais venez, il va vous conter tout lui-même…

Nous passâmes dans la chambre du vieillard, dont j’étais devenu le favori, parce que je pouvais au besoin lui fournir un couplet de quelque vieille chanson quand il ne la retrouvait pas tout entière dans sa mémoire.

— Mon père, n’est-il pas vrai que vous avez vu le crapaud et le lézard de Saint-Omer ?

— Oui, et bien plus souvent que je n’aurais voulu, car ils étaient dans l’église où chaque dimanche mes tantes me menaient entendre vêpres, pendant que mes camarades étaient aux champs à se divertir.

— Vous avez vu un lézard long de cinquante pieds et un crapaud large comme un bouclier.

— Non, mais un crododile de dix à douze pieds de longueur, et une tortue qui était, je crois, plus grande que vous ne le dites. Vous remarquerez, ajouta-t-il, qu’en Flandre, de même qu’en Allemagne, le nom par lequel on désigne la tortue signifie crapaud à plastron (Shild Pad, et Shild Krote) ; je ne doute pas que ce nom bizarre n’ait été, dans une foule de lieux, l’origine de contes tout aussi ridicules que celui qu’on fait à Saint-Omer… que celui qu’on y faisait jadis, dirai-je plutôt, car l’église est détruite depuis long-temps, et l’histoire est peut-être déjà oubliée.


P. P. Lecacheux.