Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/282

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
278
REVUE DES DEUX MONDES.

flatterie détournée. Elle n’est ni plus grande ni plus petite que vous, disait-il ; elle a, comme vous, cette taille charmante, comme vous ce pied incomparable, comme vous ces beaux yeux pleins de feu. La conversation, sur ce ton, ne déplaisait pas à la marquise. Tout en écoutant d’un air détaché, elle se mirait du coin de l’œil. À dire vrai, ce petit manége choquait horriblement Valentin. Il ne pouvait comprendre cette demi-vertu ni cette demi-hypocrisie d’une femme qui se fâchait d’une parole franche et qui s’en laissait conter à travers une gaze. En voyant les œillades que la marquise se renvoyait à elle-même dans la glace, il se sentait l’envie de lui tout dire, le nom, la rue, le baiser du bal, et de prendre ainsi sa revanche complète sur le billet qu’il avait reçu.

Une question de Mme de Parnes soulagea la mauvaise humeur du jeune homme. Elle lui demanda, d’un air railleur, s’il ne pouvait du moins lui dire le nom de baptême de sa veuve. Elle s’appelle Julie, répliqua-t-il sur-le-champ. Il y avait, dans cette réponse, si peu d’hésitation et tant de netteté, que Mme de Parnes en fut frappée. C’est un assez joli nom, dit-elle ; et la conversation tomba tout à coup.

Il arriva alors une chose peut-être difficile à expliquer, et peut-être aisée à comprendre. Dès que la marquise crut sérieusement que cette déclaration qui l’avait choquée, n’était réellement pas pour elle, elle en parut surprise et presque blessée. Soit que la légèreté de Valentin lui semblât trop forte, s’il en aimait une autre, soit qu’elle regrettât d’avoir montré de la colère mal à propos, elle devint rêveuse, et, ce qui est étrange, en même temps irritée et coquette. Elle voulut revenir sur son pardon, et tout en cherchant querelle à Valentin, elle s’assit à sa toilette ; elle dénoua le ruban qui entourait son cou, puis le rattacha ; elle prit un peigne ; sa coiffure semblait lui déplaire ; elle refaisait une boucle d’un côté, en retranchait une de l’autre ; comme elle arrangeait son chignon, le peigne lui glissa des mains, et sa longue chevelure noire lui couvrit les épaules.

— Voulez-vous que je sonne ? demanda Valentin ; avez-vous besoin de votre femme de chambre ?

— Ce n’est pas la peine, répondit la marquise, qui releva d’une main impatiente ses cheveux déroulés, et y enfonça son peigne ; je ne sais ce que font mes domestiques ; il faut qu’ils soient tous sortis, car j’avais défendu ce matin qu’on me laissât entrer personne.

— En ce cas, dit Valentin, j’ai commis une indiscrétion, et je me retire.