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REVUE DES DEUX MONDES.

— Pour s’en servir, et, quand il sera sale, Mme Julie nous en fera d’autres.

— Écoutez-moi, madame la marquise, dit Valentin. Vous comprenez très bien que je ne suis pas assez sot pour attacher de l’importance à un caprice ni à une bagatelle de cette sorte. S’il est vrai que le déplaisir que je ressens de ce que vous faites puisse avoir quelque motif que vous ignorez, ne cherchez pas à l’approfondir, ce sera le plus sage. Vous vous êtes trouvée mal tout à l’heure, je ne vous demande pas si cet évanouissement était bien profond ; vous avez obtenu ce que vous désiriez, n’en essayez pas davantage.

— Mais vous comprenez peut-être, répondit Mme de Parnes, que je ne suis pas assez sotte non plus pour attacher à cette bagatelle plus d’importance que vous, et s’il m’arrivait d’insister, vous comprendriez encore que je voudrais savoir jusqu’à quel point c’est une bagatelle.

— Soit, mais je vous demanderai, pour vous répondre, si c’est l’orgueil ou l’amour qui vous pousse.

— C’est l’un et l’autre. Vous ne savez pas qui je suis ; la légèreté de ma conduite avec vous vous a donné de moi une opinion que je vous laisse parce que vous ne la feriez partager à personne ; pensez sur mon compte comme il vous plaira, et soyez infidèle si bon vous semble ; mais gardez-vous de m’offenser.

— C’est peut-être l’orgueil qui parle en ce moment, madame ; mais convenez donc que ce n’est pas l’amour.

— Je n’en sais rien ; si je ne suis pas jalouse, il est certain que c’est par dédain ; comme je ne reconnais qu’à M. de Parnes le droit de surveillance sur moi, je ne prétends non plus surveiller personne. Mais comment osez-vous me répéter deux fois un nom que vous devriez taire ?

— Pourquoi le tairais-je quand vous m’interrogez ? ce nom ne peut faire rougir ni la personne à qui il appartient ni celle qui le prononce.

— Eh bien ! achevez donc de le prononcer.

Valentin hésita un moment.

— Non, répondit-il, je ne le prononcerai pas, par respect pour celle qui le porte. La marquise se leva à cette parole, serra sa mantille autour de sa taille, et dit d’un ton glacé : Je pense qu’on doit être venu me chercher, reconduisez-moi jusqu’à ma voiture.